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France-Irak Actualité : actualités du Golfe à l'Atlantique

France-Irak Actualité : actualités du Golfe à l'Atlantique

Analyses, informations et revue de presse sur la situation en Irak et du Golfe à l'Atlantique. Traduction d'articles parus dans la presse arabe ou anglo-saxonne.


Pourquoi l'Iran menace Diego Garcia, joyau militaire américain méconnu dans l’océan Indien

Publié par Gilles Munier sur 4 Avril 2025, 09:31am

Catégories : #Iran, #Trump

Dans l'océan Indien, les États-Unis disposent d'une base militaire isolée de tout mais stratégique pour l'armée américaine : Diego Garcia. Située dans l'archipel de Chagos, elle s'apprête à changer de souveraineté alors que l'Iran menace de la bombarder. Un autre territoire que Donald Trump pourrait envisager d'annexer ?

Par Sébastian SEIBT (revue de presse : France 24 – 2 avril 2025)*

Elles sont toutes deux isolées et essentielles pour la sécurité américaine aux yeux de Washington. Au Groenland, la très lointaine base américaine de Pituffik a eu récemment les honneurs de la visite du vice-président J.D. Vance, sur fond de polémique autour des visées impérialistes de Donald Trump dans la région.

À 12 000 km au sud, en plein océan Indien, la base militaire de Diego Garcia n’a pas eu de visiteur aussi prestigieux. Mais cette île de l’archipel de Chagos traverse une période mouvementée. Elle se retrouve dans le collimateur de l’Iran. Le régime en place à Téhéran a annoncé, lundi 31 mars, envisager de bombarder cette place forte américaine méconnue du grand public.

Menaces iraniennes

Le gouvernement iranien craint que l’administration Trump, qui a bombardé récemment les Houthis au Yémen, n'utilise cette base pour intensifier son action contre cette milice pro-iranienne. Ou pire. “L’Iran craint que les États-Unis utilisent Diego Garcia pour lancer une potentielle attaque contre le pays à l’avenir”, note Klaus Dodds, chercheur en géopolitique à l’université Royal Holloway de Londres. Washington a, d’ailleurs, envoyé plusieurs bombardiers stratégiques B-2 à Diego Garcia, a affirmé CNN mercredi 2 avril. Des avions capables de viser des infrastructures militaires ou critiques en Iran.

“Dans l’hypothèse d’un conflit armée entre les États-Unis et l’Iran, la base de Diego Garcia, suffisamment grande et bien équipée pour abriter et protéger des bombardiers stratégiques, jouerait un rôle crucial”, assure David Blagden, spécialiste des questions de sécurité internationale à l’université d’Exeter.

L’Iran assure avoir l’arsenal pour frapper cette base située en pleine mer à plus de 5 000 km de sa frontière. Difficile à confirmer, “mais il est évident que Diego Garcia est moins facile à atteindre que les bases américaines dans le Golfe”, assure Samuel Oyewole, qui a étudié l’importance stratégique de l’archipel de Chagos au Centre africain des études sur les États-Unis de l’université de Pretoria (Afrique du Sud).

Mais ce n’est pas tout. La base américaine de Diego Garcia vit également un changement d’ère majeur. L’archipel de Chagos, où elle se trouve et qui est sous administration britannique depuis 1968, doit devenir officiellement une partie intégrante de l'île Maurice, distantes de 2 200 km. Londres a finalement accepté de se défaire de ce territoire en octobre 2024, et de se débarrasser ainsi de ce qui pouvait apparaître comme sa dernière colonie en Afrique.

Une base sur un archipel qui va rejoindre l'île Maurice

Washington devait encore donner son feu vert au nouveau montage territorial. Ce dernier prévoit que Londres loue dorénavant ce territoire à l’île Maurice pendant 99 ans et encaisse un loyer des États-Unis pour lui permettre d’occuper la base militaire. Donald Trump a finalement accepté, mardi 1er avril.

“Vu l’importance stratégique de Diego Garcia pour les États-Unis, ils n’auraient jamais accepté le moindre accord qui puisse mener à un démantèlement de cette base militaire”, souligne Chirayu Thakkar, spécialiste des questions de sécurité dans la région indo-pacifique à l’université de Singapour.

Difficile de s’en rendre compte pour une base recouvrant une grande partie de ce lopin de terre entouré d’eau qui s’étend sur seulement 22,63 km de long et 6,44 km de large, mais elle représente l’un des principaux joyaux de la couronne des bases militaires américaines en dehors des États-Unis. “Son importance tient au fait qu’elle se trouve au carrefour de trois zones stratégiques pour les États-Unis : l’Asie, l’Afrique et le Moyen-Orient”, explique Walter C. Ladwig III, spécialiste de la politique étrangère nord-américaine et des questions de sécurité dans la région indo-pacifique au King’s College de Londres.

“Elle sert de centre logistique important pour les États-Unis qui y ont positionné notamment des troupes afin de pouvoir les déployer rapidement sur des théâtres d’opération des trois régions, et il y a aussi des pistes d’atterrissage pour des bombardiers à longue portée”, résume Walter C. Ladwig III. “Il y a également une station GPS sur l’île et un centre de commandement, ce qui en fait une base importante pour les communications militaires”, ajoute Chirayu Takkar.

C’est aussi une île déserte depuis l’expulsion des populations locales entre 1968 et 1973, ce qui permet aux États-Unis d’y mener “potentiellement d’autres activités [surveillance par exemple, NDLR] à l’abri des regards extérieurs puisque le niveau de confidentialité est tel que même les parlementaires britanniques ont du mal à s’y rendre”, note Walter C. Ladwig III, qui a notamment témoigné devant le Parlement britannique, en janvier 2024, concernant l’importance stratégique de ce territoire. Ce déplacement forcé de population a d’ailleurs été l’un des principaux motifs retenus par la Cour internationale de justice - qui dépend des Nations unies - en 2019 pour juger que le Royaume-Uni devait “compléter le processus de décolonisation de l’île Maurice”.

Menace chinoise ?

La base de Diego Garcia s’est révélée très utile durant la campagne militaire américaine contre le terrorisme après les attentats du 11 septembre 2001. Elle a été utilisée “pendant la guerre en Irak en 2003 et aussi en soutien aux opérations en Afghanistan”, souligne Samuel Oyewole.

Cette installation est “certes moins grande que des bases américaines en Allemagne, en Corée du Sud ou encore au Japon”, reconnaît Walter C. Ladwig III. Mais en raison du contexte géopolitique actuel, “l’importance de Diego Garcia est incomparable”, assure Chirayu Takkar.

Avec les tensions au Moyen-Orient, les États-Unis ont besoin d’une telle base pour projeter leur puissance militaire. Ils pourraient, en théorie, le faire depuis leurs installations au Qatar, en Arabie saoudite ou à Oman. Mais ces bases ne sont pas aussi isolées que Diego Garcia, “où les États-Unis peuvent plus facilement concentrer un grand nombre de forces militaires sans avoir de problèmes avec les autorités locales”, souligne Samuel Oyewole.

Diego Garcia permet aussi de garder un œil sur les ambitions chinoises. “La Chine est très active dans la région et a construit des installations portuaires au Pakistan et au Sri Lanka ou une base militaire à Djibouti. Avoir une présence à Diego Garcia permet à la fois de surveiller ces activités chinoises et de disposer d’une présence militaire dans cette région en cas de confrontation majeure entre les États-Unis et la Chine”, résume David Blagden.

La présence chinoise dans la région inquiète d’ailleurs déjà les États-Unis. Le rapprochement économique entre la Chine et l’île Maurice - un accord commercial entre les deux pays a été signé en 2021 - avait contribué à pousser certains collaborateurs de Donald Trump, comme le secrétaire d’État Marco Rubio, a émettre des doutes quant à l’opportunité d’accepter que le Royaume-Uni cède l’archipel Chagos à l’île Maurice. “L’une des inquiétudes que les Américains pourraient avoir, par exemple, c’est que les autorités mauriciennes cèdent des droits de pêche à la Chine. On sait que la flotte de pêche chinoise est utilisée à l’occasion pour des opérations de surveillance ou de harcèlement d’autres bateaux”, note David Blagden.

Pour Klaus Dodds, Donald Trump mettra tout en œuvre pour s’assurer que rien n’entrave le bon fonctionnement de la base militaire de Diego Garcia. Le président américain a certes donné son feu vert à la cession de l’archipel de Chagos, mais, d’après cet expert, s’il craint une menace chinoise “le risque existe qu’il décide de demander, comme pour le Groenland, à annexer la base de Diego Garcia”.

*Source : France 24

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