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France-Irak Actualité : actualités du Golfe à l'Atlantique

France-Irak Actualité : actualités du Golfe à l'Atlantique

Analyses, informations et revue de presse sur la situation en Irak et du Golfe à l'Atlantique. Traduction d'articles parus dans la presse arabe ou anglo-saxonne.


Israël : faut-il tuer le roi pour préserver le royaume ?

Publié par Gilles Munier sur 9 Mars 2025, 08:12am

Catégories : #Netanyahou, #Gaza

Crédit photo © The Cradle

Par Mohamad Hasan Sweidan  (revue de presse : The Cradle - 7 mars 2025)*

Le règne de Netanyahu a aggravé les fractures internes en Israël et son isolement dans le monde, mettant à rude épreuve la patience de ses plus proches alliés. Alors que Tel Aviv s'en remet toujours plus aux États-Unis, une question se pose : les Américains vont-ils détrôner le roi pour sauver leur royaume ?

“Que la question soit l'avenir de Gaza, l'État palestinien, la menace iranienne ou une gouvernance démocratique honnête, Netanyahu est désormais un handicap, plus encore maintenant qu'avant la guerre”.

Une enquête sur les articles publiés dans les médias israéliens et américains révèle que les analystes s'inquiètent de plus en plus des conséquences du maintien au pouvoir du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, qui plonge l'État d'occupation dans une escalade de crises intérieures et extérieures.

Ses politiques aggravent les divisions internes, sapant la cohésion sociale et politique. Par ailleurs, sa gestion des défis régionaux exacerbe son isolement sur la scène internationale, l'exposant à des vulnérabilités stratégiques à long terme.

Netanyahu et le chaos régional

La fable classique de Hans Christian Andersen, Les Habits neufs de l'empereur, raconte l'histoire d'un souverain si obnubilé par sa vanité qu'il se laisse berner et croit porter une tenue magnifique fait d’une étoffe que seuls les sots ou les incapables ne peuvent pas voir, d’après ses tailleurs charlatans.

En réalité, il se promène nu dans les rues, mais personne n'ose dire la vérité jusqu'à ce qu'un enfant s'écrie : “L'empereur est nu !” L'empereur, désormais exposé, choisit de poursuivre sa marche, faisant comme si de rien n'était.

Le conte est devenu une métaphore universelle du déni de masse dans les questions politiques et sociales. Aujourd'hui, les journalistes israéliens l'invoquent pour illustrer à quel point les prétendues vertus de Netanyahu ne sont qu'illusions, tandis que ses échecs sautent aux yeux de tous ceux qui se donnent la peine de regarder.

Dans son ouvrage fondateur De la guerre, Carl von Clausewitz définit la guerre comme “la continuation de la politique par d'autres moyens”. Cependant, Clausewitz met en garde contre “l'erreur de faire le premier pas sans penser à ce que pourrait être le dernier”, un enseignement que Netanyahu n'a jamais su tirer de ses mentors américains.

Après les attentats du 11 septembre, l'administration Bush a lancé ses guerres en Afghanistan et en Irak sans stratégie concrète pour en sortir, provoquant ainsi les très humiliants retraits américains. La réponse de Netanyahu à l'opération “Al-Aqsa Flood” a déclenché un bouleversement similaire dans toute l'Asie occidentale. Mais le véritable enjeu réside dans la suite des événements : quelle sera sa stratégie pour sortir du chaos qu'il a déclenché ?

Un article paru l'année dernière dans The Hill note que Netanyahu a

“la réputation d'être un maître tacticien de la politique israélienne... mais il est indiscutablement un piètre stratège”.

Sur le plan intérieur, sa dépendance à l'égard d'alliés extrémistes pour maintenir sa coalition a exacerbé les fractures sociales et érodé la confiance dans les institutions de l'État, y compris au sein de l'armée et des agences du renseignement israéliennes. La tentative de Netanyahu de réformer le système judiciaire israélien a aliéné de larges pans de la société israélienne, y compris des personnalités clés de l'establishment sécuritaire, dans un contexte précaire d'unité nationale.

Sa stratégie de longue date de permettre au Hamas de contrebalancer l'Autorité palestinienne (AP) - visant à empêcher l'émergence d'un État palestinien - s'est maintenant soldée par un spectaculaire retour de flamme. Comment Netanyahu peut-il maintenant prétendre vouloir éradiquer la Résistance palestinienne dont il a cherché à assurer le développement, bien que par voie indirecte ?

De plus, son refus d'assumer la responsabilité des échecs qui ont conduit au 7 octobre - y compris en faisant obstruction aux enquêtes sur les événements de cette journée - ainsi que sa réticence à présenter un plan d'après-guerre pour Gaza, ont alimenté la grogne de l'opinion publique, et renforcé l'impression que Netanyahu fait passer sa survie politique avant la sécurité nationale.

En bref, les ambitions du Premier ministre israélien, selon l'opinion publique et l'establishment israéliens de plus en plus hostiles, consistent à préserver le roi plutôt que le royaume.

Un handicap stratégique pour Washington ?

Sous Netanyahu, Israël n'a cessé de s'isoler. Les mandats d'arrêt émis en 2024 par la Cour pénale internationale (CPI) à l'encontre de Netanyahu et de l'ancien ministre de la Défense Yoav Gallant ont encore restreint sa mobilité internationale et aggravé la crise diplomatique de Tel Aviv.

L'expansion agressive des colonies juives illégales par son gouvernement et son refus de s'engager dans des négociations sérieuses sur la création d'un État palestinien ont suscité l’hostilité des partenaires arabes clés, compromettant la normalisation des relations entre l'Arabie saoudite et Israël, et inversant la dynamique des accords d'Abraham.

Netanyahu n'a pas réussi à contenir le chaos régional qu'il a déclenché en octobre 2023. L'avenir de Gaza et du Liban demeure incertain, la trajectoire de la confrontation israélienne avec l'Iran n'est pas claire, et le rôle de Tel Aviv en Syrie est ambigu.

Par ailleurs, l'insoumission de Netanyahu aux appels des États-Unis à la retenue, et ses machinations pour se soustraire aux objectifs du cessez-le-feu ont mis à rude épreuve les relations avec Washington, où il est de plus en plus considéré comme un obstacle plutôt qu’un allié.

L'enjeu le plus urgent réside désormais dans l'impact du régime de Netanyahu et de sa dépendance stratégique à l'égard de Washington. Les événements postérieurs au 7 octobre ont révélé l'incapacité de Tel Aviv à soutenir une confrontation prolongée en Asie occidentale sans investissements directs des États-Unis dans les domaines financier, militaire et du renseignement. En d'autres termes, Israël s'est montré stratégiquement vulnérable, son succès dépendant exclusivement de l’indéfectible soutien des États-Unis.

Dans l'arène des relations internationales, l'exposition stratégique fait référence au degré de vulnérabilité d'un État aux pressions, menaces et dépendances extérieures. La sécurité, la stabilité et les intérêts stratégiques d'Israël sont désormais tributaires de l'engagement des États-Unis.

Après l'opération Al-Aqsa Flood, les Israéliens ont pris conscience de leur dépendance à l'égard de Washington, contraignant les États-Unis à s'impliquer davantage dans la région au nom de Tel Aviv. Cette situation a suscité une frustration croissante chez les décideurs politiques américains, qui considèrent une telle dépendance comme source de difficultés. Certains se demandent désormais si l'Israël de Netanyahu n'est pas devenu un boulet.

Un consensus grandissant contre Netanyahu

Steven Simon, ancien directeur des affaires du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord au Conseil de sécurité nationale des États-Unis, affirme que le soutien constant des États-Unis à Israël ne sert plus les intérêts stratégiques américains. Dans son livre Grand Delusion: The Rise and Fall of American Ambition in the Middle East, Simon appelle Washington à réévaluer ses relations avec Tel Aviv.

Aux États-Unis et en Europe, de nombreux spécialistes considèrent désormais Netanyahu comme un obstacle non seulement à la démocratie israélienne, mais aussi aux intérêts des alliés d'Israël. Le journaliste Simon Tisdall, qui écrit pour The Guardian/Observer, affirme que, par son obstination sur la question de Gaza, Netanyahu a dangereusement sapé l'ordre mondial dirigé par les États-Unis. À Washington, nombreux sont ceux qui ont le sentiment que Netanyahu “n'écoute plus vraiment” son plus proche allié, constat alarmant pour les décideurs politiques américains.

Comme l'écrivait Tisdall en novembre 2023 :

“Que la question soit l'avenir de Gaza, l'État palestinien, la menace iranienne ou une gouvernance démocratique honnête, Netanyahu est désormais un handicap, plus encore maintenant qu'avant la guerre”.

Même le leader de la majorité au Sénat américain, Chuck Schumer, un Démocrate juif résolument pro-Israël, a condamné publiquement Netanyahu comme jamais auparavant l'année dernière, déclarant que le Premier ministre israélien s'est “égaré”, appelant à de nouvelles élections.

Ainsi s'impose une question fondamentale : de nombreuses voix influentes à Washington estiment chaque jour davantage que la sauvegarde des intérêts américains passe par la destitution de Netanyahu. Alors, pour préserver le royaume aujourd'hui, faut-il débarrasser le pays de son roi ?

*Source : The Cradle

Traduction: Spirit Of Free Speech

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