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Par Sara Troian (revue de presse : TRT en français – 4 février 2025)*
L’interdiction imposée par Israël à l’agence des Nations unies pour les réfugiés palestiniens (UNRWA) est entrée en vigueur le 30 janvier, suspendant ses services dans ses deux principales zones d’opération en Palestine, à savoir Gaza et la Cisjordanie occupée, y compris Jérusalem-Est.
Créée en 1949 en réponse à la Nakba, l’UNRWA avait pour mission de fournir une aide humanitaire et de protéger les droits des Palestiniens jusqu’à ce qu’une solution juste de la crise des réfugiés soit trouvée. Au cœur de cet objectif réside le droit inaliénable au retour des Palestiniens, un droit qu’Israël a systématiquement dénié.
Au-delà des 5,4 millions de réfugiés enregistrés auprès de l’UNRWA, au moins cinq millions d’autres Palestiniens ont été déplacés de force par la colonisation sioniste. Le droit au retour leur appartient à tous.
Attaque délibérée contre la Palestine
En octobre, le parlement israélien a adopté deux projets de loi visant l’UNRWA. Le premier interdit à l’agence d’opérer à l’intérieur des frontières de 1948. Le second empêche les responsables israéliens de collaborer avec l’UNRWA, quelles que soient les modalités.
Ces lois visent à annihiler le droit des Palestiniens à disposer d’une patrie et à fragiliser davantage l’agence qui les soutient. Elles marquent, de surcroît, l’aboutissement de décennies d’attaques menées par Israël et ses alliés, dans le but de démanteler l’UNRWA dans le cadre plus large du projet colonial sioniste.
Pour les 2,1 millions de Palestiniens de Gaza, ces mesures paralyseront les efforts pour reconstruire la chaleur de leurs foyers et rétablir les infrastructures vitales, réduites en cendres par la violence dévastatrice d’Israël. Elles entraveront davantage la restauration de la vie et la guérison, après des nuits passées sous des cieux en flammes et des journées suspendues entre une lente et une rapide agonie, alors que les rations alimentaires se font de plus en plus rares.
En Cisjordanie occupée et à Jérusalem-Est, 49 000 élèves seront expulsés des écoles de l’UNRWA et se retrouveront sans éducation ou pour le cas de Jérusalem, à la merci des programmes israéliens qui déforment, déshumanisent et effacent leur histoire et leur culture.
Près d’un million de Palestiniens se verront privés de soins médicaux. La perte de milliers d’emplois précipitera les Palestiniens dans la précarité économique, aggravant le cycle de régression orchestré.
Objectifs politiques et stratégies néo-impérialistes
Le démantèlement de l’UNRWA n’est pas seulement une crise humanitaire : il s’agit d’une manœuvre politique. Le sionisme a inscrit l’effacement de la Palestine dans une stratégie régionale plus large. Dans ce projet impérialiste, les États-Unis et l’Union européenne financent l’oppression, Israël l’applique, et l’ONU fournit un mince voile de légitimité.
Le moment de l’interdiction coïncide avec le changement de tactique d’Israël. Alors que l’intensité du génocide à Gaza a momentanément diminué, la violence en Cisjordanie, surtout dans les camps de réfugiés de Jénine et de Tulkarem, s’est intensifiée. Les forces sionistes utilisent des frappes aériennes pour détruire les infrastructures vitales, entravant l’accès aux soins et menant à des évacuations massives, tout en poursuivant l’expansion quotidienne des colonies et les arrestations arbitraires en masse.
Les Palestiniens font aujourd’hui face aux mêmes forces oppressives qu’au cours de la révolte de 1936-1939 : des dirigeants intéressés, des régimes arabes complices et la domination sioniste-impérialiste.
Au cœur de ces dynamiques se trouve la question des réfugiés palestiniens, une conséquence fondamentale de la colonisation sioniste. Depuis 1948, Israël a déplacé plus de dix millions de Palestiniens, dont la plupart sont des descendants de la Nakba, les séparant ainsi de leur terre d'origine.
Le droit au retour menace les fondements du sionisme car il défie la réalité coloniale d'Israël, fondée sur la destruction et le déplacement.
Ces dernières années, des experts et des organismes internationaux ont proposé l'intégration dans les pays hôtes ou la réinstallation dans des pays tiers comme solutions pour garantir un minimum de droits et d'émancipation aux Palestiniens qui sont enfermés de force depuis plus de sept décennies.
Si l'accès aux droits civils et politiques dans les lieux d'exil est crucial, ces propositions ne doivent pas être instrumentalisées pour étouffer la lutte centrale pour le retour. En ce moment, ce genre de discours risque de légitimer les expulsions forcées, sous couvert de solutions légales, effaçant ainsi les revendications palestiniennes de l'agenda mondial.
L'accès aux droits ne doit jamais servir de stratégie pour minimiser ou marginaliser la lutte centrale pour le retour ni les efforts pour le garantir. Il est essentiel, en ce moment, de reconnaître comment de telles propositions et solutions peuvent être exploitées — soit pour entraver la survie palestinienne au milieu du génocide, soit pour réprimer la résistance contre le déplacement forcé.
De nombreux Palestiniens en Cisjordanie détiennent déjà la citoyenneté jordanienne, héritage de la Nakba et d'Oslo. Si les Palestiniens sont contraints de se déplacer en Jordanie ou dans des États tiers sous prétexte de naturalisation et de réinstallation, cette stratégie, présentée comme une solution légale, légitimera finalement de nouvelles expulsions forcées et effacera leur droit au retour de l'agenda international.
Cela facilitera l'élimination de dix millions de Palestiniens en tant que force politique défiant l'expansion impérialiste occidentale.
Le temps du retour
Une solution juste ne peut naître des mêmes institutions et structures qui ont perpétué le calvaire des Palestiniens et le pillage de leur terre pendant des décennies. Ces alternatives ne font que redéfinir l'oppression du peuple.
La réponse réside dans la résistance des Palestiniens eux-mêmes. Au cours des 16 derniers mois, en dépit d’un siècle d’exclusion et d’exil, et de 480 jours d’effacement colonial imposé par les colons, ce sont les Palestiniens, seuls, qui ont transformé le retour —longtemps considéré comme un rêve lointain— en une réalité tangible.
Alors que les Palestiniens déplacés de Gaza retournent en masse vers leurs foyers détruits dans les villes de Gaza, Beit Lahiya, Jabaliya et Beit Hanoun, ce n’est que le début de leur Grande marche du retour.
80% de la population de Gaza sont les descendants des expulsés de 247 villages du centre-sud de la Palestine, victimes des vagues de massacres sionistes.
Le principe central de toute solution juste et durable réside dans une solution qui restaure aux Palestiniens leurs foyers, leur terre et leur dignité, des droits qui leur ont été niés depuis bien trop longtemps.
*Source : TRT en français