L'enquête révèle un soutien croissant à la lutte armée et à l'attaque du 7 octobre; opposition générale à la présence de forces de sécurité arabes à Gaza après la guerre
Par Gianluca Pacchiani (revue de presse: The Times of Israel – 13 juin 2024)*
Un nouveau sondage publié mercredi montre un soutien de plus en plus important au groupe terroriste du Hamas chez les Palestiniens de Cisjordanie et de Gaza.
Le sondage, réalisé par le Palestinian Center for Policy and Survey Research (PCPSR) entre le 26 mai et le 1er juin, révèle que le soutien global au Hamas dans les Territoires palestiniens s’élève à 40 %, soit une augmentation de six points par rapport au sondage précédent, réalisé il y a trois mois. Seuls 20 % environ soutiennent le Fatah, parti du président de l’Autorité palestinienne (AP) Mahmoud Abbas, qui contrôle la Cisjordanie.
Avant la guerre, le soutien global au Hamas s’élevait à 22 % et le soutien au Fatah à 26 %.
Le soutien à la lutte armée est également en hausse, enregistrant une augmentation globale de huit points par rapport au mois de mars. La lutte armée est considérée par un peu plus de la moitié des Palestiniens (54 %) comme l’option préférée pour mettre fin à la domination israélienne et établir un État palestinien, tandis qu’un quart seulement choisit les négociations et 16 % ce que le sondage appelle la « résistance non violente ».
En Cisjordanie, 41 % des habitants ont déclaré soutenir le Hamas (contre 35 % il y a trois mois), tandis que 17 % soutiennent le Fatah (contre 12 % il y a trois mois).
Dans la bande de Gaza, le soutien au Hamas s’élève aujourd’hui à 38 % (34 % il y a trois mois) et le soutien au Fatah à 24 % (25 % il y a trois mois).
Quelque 8 % des personnes interrogées ont choisi d’autres groupes, et 33 % ont déclaré ne soutenir aucun groupe ou ne pas savoir.
Plus de Cisjordaniens que de Gazaouis souhaitent voir le Hamas rester au pouvoir
Le sondage, qui portait sur un échantillon de 1 570 adultes répartis à peu près également entre la Cisjordanie et Gaza, a révélé qu’un grand pourcentage de personnes en Cisjordanie (79 %) pensent que le Hamas sortira victorieux de la guerre et souhaitent que le groupe terroriste gouverne Gaza après le conflit (71 %). Le pourcentage de ceux qui prédisent qu’Israël gagnera la guerre est proche de zéro.
À Gaza, par contre, seuls 48 % des habitants s’attendent à une victoire du groupe, soit 8 points de moins qu’il y a trois mois, contre 25 % qui pensent qu’Israël sortira vainqueur de l’affrontement. Seuls 46 % des habitants de Gaza souhaitent que le Hamas reste au pouvoir après la guerre.
Khalil Shikaki, directeur du PCPSR, a attribué les divergences entre les prévisions sur l’issue de la guerre aux différentes sources d’information disponibles aux Palestiniens dans les deux territoires.
Alors que les habitants de Gaza observent en direct les développements militaires sur le terrain et ont connaissance du démantèlement de nombreuses capacités militaires du Hamas, l’enquête révèle que 83 % des habitants de Cisjordanie obtiennent leurs informations d’Al Jazeera et, par conséquent, « parviennent à des conclusions quelque peu différentes de celles des habitants de Gaza », comme l’a expliqué Shikaki au Times of Israel.
Les critiques adressées à la chaîne qatarie en Israël portent sur sa couverture partisane de la guerre sur son principal réseau en langue arabe, notamment pour avoir minimisé les atrocités commises par les groupes terroristes à Gaza le 7 octobre.
Les émissions d’Al Jazeera en Israël ont été interrompues le 5 mai, son site web a été mis hors ligne, son matériel a été saisi et ses bureaux ont été mis sous scellés, conformément à une loi d’urgence autorisant le blocage temporaire des médias étrangers considérés comme représentant une menace pour la sécurité de l’État. Les tribunaux israéliens ont statué que le contenu d’Al Jazeera servait les intérêts du Hamas « et nuisait considérablement à la sécurité de l’État ».
Hormis le Hamas, les Palestiniens préféreraient une AP « revitalisée » avec un Président, un Parlement et un gouvernement nouvellement élus (16 %), ou encore l’AP actuelle d’Abbas (6 %). Le dirigeant octogénaire reste particulièrement peu populaire, une écrasante majorité de Palestiniens (94 % en Cisjordanie et 83 % à Gaza) souhaitant le voir démissionner.
Seulement 1 % des personnes interrogées ont exprimé le souhait que l’armée israélienne contrôle la bande côtière, 2 % ont choisi l’ONU et 1 % ont opté pour un ou plusieurs autres États arabes. Les Palestiniens s’opposent fortement au déploiement d’une force de sécurité arabe à Gaza, même si elle devait soutenir les forces palestiniennes, 75 % des personnes interrogées y étant opposées.
Selon un article paru mi-mai dans le Financial Times britannique, l’Égypte, les Émirats arabes unis et le Maroc ont examiné une initiative américaine visant à établir une force de maintien de la paix à Gaza après la guerre, sous réserve que les États-Unis reconnaissent officiellement un État palestinien. Bien que l’administration Biden soutienne les efforts en faveur d’une solution à deux États, elle s’oppose à la reconnaissance unilatérale d’un État palestinien, arguant que de telles déclarations non suivies de mesures concrètes n’améliorent pas la situation.
D’autres États arabes, dont l’Arabie saoudite, ont rejeté la proposition américaine de participer à une force de maintien de la paix, craignant d’être perçus comme collaborant avec Israël, selon le Financial Times.
Le soutien à l’assaut du 7 octobre diminue mais reste significatif
Le sondage du PCPSR a également révélé que les deux tiers de la population palestinienne dans son ensemble continuent de soutenir l’attaque du 7 octobre : 73 % en Cisjordanie et 57 % à Gaza (contre 71 % dans les deux territoires il y a trois mois).
L’organisation a émis l’hypothèse que le niveau élevé de soutien à l’assaut brutal était probablement lié à la conviction qu’il avait permis d’attirer l’attention du monde sur la lutte des Palestiniens pour la création d’un État et ne reflétait pas nécessairement un soutien aux atrocités commises par le Hamas sur les civils israéliens. Il n’a toutefois pas étayé cette suggestion.
Les Palestiniens semblent peu confiants de voir la guerre d’Israël contre le Hamas être arrêtée par les tribunaux internationaux. Les trois quarts des personnes interrogées ont indiqué penser qu’elles ne pensaient pas que la Cour internationale de justice (CIJ) parviendrait à empêcher une invasion massive de Rafah, le dernier bastion du Hamas, parce que les États-Unis protégeraient Israël contre les arrêts de la Cour.
Lors d’une décision d’urgence rendue fin mai dans l’affaire de l’Afrique du Sud accusant Israël de génocide, les juges de la CIJ ont donné à Israël l’ordre ambigu de « cesser immédiatement son offensive militaire et toute autre action dans le gouvernorat de Rafah qui pourrait infliger au groupe palestinien de Gaza des conditions de vie susceptibles d’entraîner sa destruction physique en tout ou en partie ».
Ce verdict a été interprété par les responsables israéliens et les quatre juges de la CIJ comme un ordre limité imposant à Israël de se conformer à la convention sur le génocide dans ses activités à Rafah, sans toutefois exiger l’arrêt complet des opérations militaires dans la région.
Quant à la décision du procureur général de la Cour pénale internationale (CPI), Karim Khan, de demander des mandats d’arrêt contre le Premier ministre Benjamin Netanyahu et le ministre de la Défense Yoav Gallant, ainsi que contre de hauts commandants du Hamas, les sondeurs ont constaté que la grande majorité des Palestiniens (71 %) sont convaincus que ni les dirigeants israéliens ni ceux du Hamas ne seront arrêtés ni poursuivis en justice.
Le PCPSR a souligné qu’il avait presque doublé la taille de l’échantillon à Gaza afin de mieux représenter les populations relatives des deux régions palestiniennes.
Dans l’enclave côtière, les enquêtes ont été menées dans des zones résidentielles et des abris pour personnes déplacées (tels que des écoles ou des camps) dans certaines parties de Rafah, Khan Younès, al-Mawasi, Deir al-Balah et d’autres zones du centre de la bande de Gaza, où il n’y avait pas de combats actifs au moment de l’enquête (26 mai – 1er juin), afin de garantir la sécurité des personnes chargées de collecter les données. La marge d’erreur est de +/- 3%.
*Source : The Times of Israël
Ramallah: Sondage sur le site du Palestinian Center for Policy and Survey Research (PCPSR):