Par Dominique Delawarde (22 mars 2024)*
Lorsqu’on évoque la Russie et son élection présidentielle, le citoyen français lamda se pose beaucoup de questions.
Parmi les principales, je vais reprendre bien sûr celles qui ont occupé nos politiques et nos médias russophobes au cours des deux dernières années et qui ont été traitées par eux avec le sérieux et l’impartialité qu’on leur connaît (humour).
1 – La Russie est elle au bord de l’effondrement économique comme l’affirmait Monsieur Lemaire ou en état de cessation de paiement comme le proclamait Monsieur Macron en mars 2022 ?
2 – Les élections russes ont-elle été vraiment démocratiques ?
3 – La victoire de Vladimir Poutine (score final et taux de participation) est-elle aussi éclatante que les chiffres officiels russes le disent ? Ou s’agit-il d’une élection truquée ? Comment a-t-elle été contrôlée ?
C’est à ces trois questions et à quelques autres que je vais tenter de répondre dans les lignes qui suivent.
1 – La Russie est-elle en voie d’effondrement économique comme l’affirmait Monsieur Lemaire ou en état de cessation de paiement comme l’affirmait Monsieur Macron en mars 2022 ?
Arrivé à Moscou peu avant l’aube du 13 mars 2024, j’ai été frappé par l’hyper abondance de la lumière (éclairage urbain et décorations que l’on trouve chez nous aux fêtes de fin d’année) et par le chauffage, excessif à mon goût et toujours supérieur à 22°, de tous les lieux publics. Les décorations lumineuses de la ville ne sont même pas éteintes dans la journée, puisqu’elles restent toujours allumées à midi ou dans l’après-midi. Ce n’est manifestement pas bon pour la planète. La sobriété énergétique n’est certainement pas encore une préoccupation pour les collectivités et populations russes, ce qui peut se comprendre lorsqu’on constate que le coût de l’énergie est près de quatre fois inférieur au nôtre. Le coût d’un litre de carburant SP est de l’ordre de 50 roubles, soit 50 centimes d’euros.
Bref, Moscou et Saint Pétersbourg sont incontestablement des villes «Lumière», beaucoup plus que Paris ou Nantes. Est ce, ou non, lié à la lumière, les gens qui s’activent ou déambulent dans la rue semblent beaucoup moins moroses, moins stressés, plus sereins, que ceux qu’on peut croiser dans les rues de Paris ou de Nantes. Sans vouloir stigmatiser personne, les russes semblent statistiquement moins gros que les populations de l’occident otanien (surtout US), et les femmes semblent globalement plus féminines, plus souriantes, voire plus jolies que celles qui se laissent aller chez nous. Je tiens à préciser, à ce stade, que j’étais totalement libre de mes mouvements et du choix des lieux où je souhaitais me rendre. Ce qui veut dire que je n’étais pas accompagné par un quelconque «commissaire politique» qui aurait pu me manipuler en me montrant les aspects «Potemkine» de la Russie. (Une belle façade, mais rien derrière ….)
Les centres commerciaux sont remarquablement achalandés. Les marques de luxe qui, selon nos médias seraient parties de Russie en raison des sanctions, sont revenues, sans faire de bruit, quelques mois après le début du conflit. On les trouve aussi bien dans les zones «hors taxe» des aéroports que dans les boutiques des grands centre commerciaux (Dior, Chanel, Kalvin Klein, Versace, ….etc). C’est un signe qu’il y a du pouvoir d’achat en Russie ...
La concession anglo-saxonne Bentley, à quelques encablures de mon hôtel, n’a jamais fermé, contrairement au français Renault, qui s’est comporté en bon soldat du mondialisme US et qui en payera le prix pour sa croissance future.
Pour moi qui avait visité le pays au début des années 2 000, c’est le jour et la nuit. Et pas le moindre signe qui pourrait laisser penser que le pays est en guerre. En huit jours, j’ai croisé quatre soldats qui repartaient au front à l’issue d’une permission avec leur barda sur le dos en gare de Moscou. Je n’ai vu que deux blessés dont un en chaise roulante à l’intérieur d’un bureau de vote.
La vie, l’animation des rues, le comportement et le visage des populations sont des signes indéniables que la Russie est un pays évoluant vers la prospérité et confiant dans son avenir, pays dont l’économie fonctionne et s’améliore de jour en jour à l’inverse de la notre.
Autre point qui ne trompe pas, les églises sont ouvertes et pleines, des concerts de chorales de jeunes enfants y sont organisés, les sourires et les applaudissements aux performances musicales des jeunes ne manquent pas. Dans les écoles transformées en bureaux de vote, on peut voir des centaines de dessins d’enfant affichés aux murs. Ces dessins par leurs couleurs et par leurs thèmes sont révélateurs d’un optimisme ambiant incontestable. Rien qui n’évoque la guerre et ses horreurs dans ces dessins.
Enfin, un dernier point me paraît important. Dans certaines écoles/bureaux de vote, les portraits des anciens de l’école, morts en héros lors de la grande guerre patriotique, sont exhibés en banderoles (grand format) au plafond du hall d’entrée. Chaque enfant peut donc tous les matins passer sous le regard de son arrière grand-père qui veille toujours sur lui. Ceci n’est évidemment pas sans conséquences sur l’état d’esprit et le réel patriotisme des jeunes adultes russes qui sont ceux que l’Armée française (ou ce qu’il en reste aujourd’hui) aurait à affronter en cas d’engagement en Ukraine. Le généralissime Macron et ses acolytes, qui ne savent manifestement pas ce qu’est le patriotisme, l’histoire de leur pays et qui ignorent tout de la chose militaire ont beaucoup, beaucoup de souci à se faire.
Ne serait-il pas temps de cesser de provoquer et d’emmerder la Russie, en jouant les innocents «démocrates» et en approchant de ses frontières, l’air de rien, nos bases et nos fusées otaniennes, sous prétexte, bien sûr, de se défendre contre une Russie qui serait impérialiste et agressive.
QUI pratique en permanence l’inversion accusatoire ? QUI a pris le contrôle de l’Europe de l’Est depuis 1990 ? QUI a envahi, en trahissant sa parole tous les jours, jusqu’aux accords de Minsk, l’espace d’influence et de protection de la Russie ? Que dirait les USA si la Russie prenait le contrôle du Mexique et y installait ses vecteurs hypersoniques ?
2 – Les élections russes ont-elle été vraiment démocratiques ?
S’agissant des grandes élections dans le monde, l’occident otanien et sa machine de propagande médiatique ne valident que celles des dirigeants qui acceptent de se soumettre à l’hégémonie unipolaire US-OTAN. Les élections des opposants au système et aux valeurs US-OTAN sont systématiquement contestées par ceux qui pratiquent l’inversion accusatoire et la doctrine Pompéo: «Nous avons menti triché, volé, c’est comme si nous avions reçu toute une formation pour apprendre à le faire. Ceci nous rappelle la gloire de l’expérience américaine. »
Les occidentaux ont ainsi contesté et rejeté le résultat des élections en Syrie, en Iran, au Venezuela, en Biélorussie. Rien d’étonnant à ce qu’ils le fassent maintenant en Russie avec le mantra délirant, repris en France et au Canada par des dirigeants, gros consommateurs de cocaïne: «Poutine tue ses opposants (Navalny) pour gagner.» En clair, selon le narratif de Paris et d’Ottawa, Navalny l’aurait sûrement emporté si Vladimir Poutine ne l’avait pas tué de ses propres mains…..
Ces narratifs font rire le monde entier, mais Paris, Ottawa et les médias qui les relayent n’ont pas peur du ridicule, car le ridicule ne tue pas.
Passons donc aux choses sérieuses: au témoignage de ce que j’ai vu. Comme chez nous, les bureaux de votes sont installés dans les lieux publics (écoles, centres culturels ou sportifs). J’en ai visité huit en trois jours.
Un bureau de vote, dans la région de Saint Pétersbourg, compte environ 1 500 électeurs répartis en 4 à 6 secteurs géographiques ce qui se traduit par 4 à 6 listes électorales d’environ 300 personnes, chacune tenue par un membre de la commission électorale du bureau.
L’électeur se présente devant le responsable de son secteur, émarge la ligne de la liste qui le concerne, perçoit un unique bulletin comportant le nom des 4 candidats se présentant à l’élection, coche la case du candidat de son choix à l’abri des regards (isoloir) et glisse son bulletin dans l’urne qui comptabilise chacun des bulletins glissés dans l’urne en direct par un système mécanique.
Un observateur peut donc a tout moment connaître le taux de participation du bureau de vote puisqu’il connaît le nombre d’électeurs inscrits dans le bureau affiché à l’entrée et le nombre de bulletins glissés dans l’urne qui s’affiche sur le compteur de celle-ci.
Depuis la crise Covid au cours de laquelle les élections ont été, pour la première fois, étalées sur 3 jours pour éviter les risques de contamination liés à une trop grande concentration humaine aux abords des bureaux de vote, et pour faciliter un écoulement plus fluide du corps électoral, les russes ont reconduit ce système parce qu’il a entraîné une hausse significative et logique de la participation.
L’énorme différence entre le système russe et le notre réside donc dans la durée du scrutin. Chez nous, une seule journée de 10 heure (8h00-18h00), voire de 12 heures dans les grandes villes, avec des queues aux heures de pointe. Chez les russes, 3 journées de 12 heures, soit 36 heures de vote, ce qui évite les queues, fluidifie les opérations de vote et permet à chacun de choisir le créneau qui lui convient le mieux sur 3 jours. En Russie, on peut donc voter le Vendredi, puis partir « à la pêche » en week end.
Par ailleurs, pour permettre au plus grand nombre de voter, une possibilité de vote par internet a été ouverte, moyennant préavis, et mesures de sécurité draconiennes. Des bureaux ont été installés dans les gares, les aéroports, dans les bateaux, dans les unités militaires en opération pour permettre au plus grand nombre d’exercer le droit de vote.
Dans de telles conditions, auxquelles il faut bien ajouter la situation de guerre, la participation devait logiquement atteindre un chiffre record pour la Russie, ce qu’elle a fait avec 77, 44%: https://tass.com/politics/1763249
Quel a été le contrôle de la sincérité du vote ? A Saint Pétersbourg, des représentants des candidats accrédités avaient la possibilité d’observer, pendant toute la durée du scrutin, les opérations de vote à l’intérieur même des bureaux. Nous en avons rencontré et interrogé sur leur mission.
Les opérations de vote et surtout les approches de l’urne étaient filmées en permanence. Les enregistrements vidéos étaient disponibles en cas de contestation dans tel ou tel bureau. Plus de 1 100 observateurs internationaux venant de 129 pays étaient accrédités pour observer ces élections. Par une juste répartition au prorata de la population mondiale, près de 80% de ces observateurs venaient du Sud Global, et d’États proches de la multipolarité, le restant venant de l’occident otanien.
On se prend à rêver que les élections dans cet occident otanien, et particulièrement aux USA, puissent aussi être observées, in situ, par le Sud global. Mais je m’égare, les élections en occident otanien sont évidemment parfaitement démocratiques par définition et n’ont nul besoin d’un tel degré de contrôle extérieur, et encore moins par les pays du Sud global.
Quid du score de 87,28% de Vladimir Poutine ? Aucune contestation des résultats du vote n’a été faite par les candidats opposés à Vladimir Poutine dans cette élection. Seuls les politiques occidentaux, relayés par les médias ont, en meute comme d’habitude, contesté la sincérité du résultat laissant entendre que Poutine ne gagnait les élections qu’en assassinant ses opposants (Navalny). Ben voyons !
On notera qu’à chaque élection russe impliquant Poutine, l’occident tente vainement de s’ingérer dans le processus électoral pour réduire, autant que faire se peut, le score de Poutine.
Rappelons nous cette fameuse affaire (farce?) Skripal, survenue à quelques jours de l’élection présidentielle russe de mars 2018: coïncidence si étrange que j’en avais fait un article humoristique. https://reseauinternational.net/lettre-de-vladimir-a-theresa-general-dominique-delawarde/
L’ingérence occidentale a été double en 2024 ainsi que nous révèlent les «coïncidences» de calendrier. Il y a eu l’étrange décès de Navalny imputé à Vladimir Poutine lui même comme l’avait été la tentative d’assassinat de Skripal 6 ans plus tôt, mais il y a eu aussi ce fameux discours du président Macron dit «discours trouposol» survenu à la veille de l’élection russe.
Dans ce discours, E Macron faisait savoir qu’il n’en voulait pas au peuple russe, mais au Régime du Kremlin (sous entendu à Vladimir Poutine), laissant entendre à l’électeur russe que la mise hors circuit de Vladimir Poutine ramènerait la paix en Europe.
Comme pour l’affaire Skripal, 6 ans plus tôt, ces deux tentatives d’ingérence fort grossières ont tourné court et ont profité au candidat Poutine.
Le résultat de Vladimir Poutine (87,28%) est non seulement plausible mais logique. Poutine est l’homme qui a redressé le pays au cours des 20 dernières années, lui redonnant sa grandeur et sa fierté. L’économie russe fonctionne bien avec + 3,6% de croissance face à un occident à l’arrêt ou en récession. L’image de la Russie dans le monde (hors occident otanien) n’a jamais été aussi bonne.
Quel électeur russe changerait un tel capitaine alors que la menace otanienne est perçue très concrètement par tous ? Et alors que la Russie engrange chaque jour des succès diplomatiques et militaires ?
Le principal atout électoral de Poutine, aura été une OTAN jugée agressive.
L’électorat russe a tout simplement fait l’UNION SACRÉE autour de son chef d’État ce qui était prévisible et logique. C’est ce que nous ont avoué plusieurs électeurs qui n’avaient jamais voté Poutine jusqu’à ce jour, mais qui l’ont fait cette fois ci.
On conçoit que les grands dirigeants occidentaux, quasiment tous mal élus, dont aucun n’a un score de plus de 50% des électeurs inscrits admettent difficilement qu’un dirigeant puisse être beaucoup mieux élu qu’eux.
Ma conclusion est claire:
OUI l’économie russe se porte beaucoup mieux que la notre.
OUI le taux de participation a été très logiquement élevé (77,44%) tant grâce aux mesures prises pour favoriser le vote qu’en raison de la situation de guerre contre l’OTAN.
OUI le score de Vladimir Poutine (87,28% des suffrages exprimés) est non seulement plausible mais logique. Rappelons que Poutine avait obtenu 55 millions de voix en 2018 et qu’il en obtient 65 millions en 2024 dans un contexte différent, sur 112,3 millions d’électeurs inscrits soit 57,9% des électeurs inscrits.
Mais à chacun de se forger son opinion bien sûr. Les narratifs de BFMTV et de LCI sont tellement convaincants …. L’avenir nous dira si les russes ont eu raison de plébisciter Vladimir Poutine.
*Dominique Delawarde, général (2s), ancien chef du bureau Situation-Renseignement-Guerre Électronique de l’Etat-major Interarmées de Planification Opérationnelle.
Articles de Dominique Delawarde publiés sur "France-Irak Actualité": Cliquer ici