Par Adnan Abu Amer (revue presse: Chronique de Palestine – 12/4/22)*
Tandis qu’Israël observe l’évolution de la guerre en Ukraine en gardant à l’esprit ses implications politiques et économiques, il attend également avec impatience les accords d’exportation susceptibles de stimuler son industrie de l’armement.
Les exportations militaires d’Israël ont totalisé 9 milliards de dollars l’année dernière, contre 8,3 milliards de dollars en 2020, soit 3% des dépenses militaires mondiales.
Ces exportations devraient encore augmenter cette année en raison de l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Israël est désormais le 10ème exportateur d’armes au monde selon un récent rapport. L’industrie high-tech de l’État d’occupation espère suivre la même voie.
Certaines des exportations d’armes de ces dernières années étaient destinées aux États arabes du Golfe, qui ont acheté des armes et des systèmes de surveillance en évitant la moindre publicité, avant même les accords publics de la ainsi-nommée « normalisation ». Début 2020, ils ont payé 800 millions de dollars à Israël pour ces livraisons, y compris des logiciels de défense et d’attaque électroniques.
Le récent sommet du Néguev conduira également à davantage de ventes d’armes au monde arabe, les régimes gardant à l’esprit le développement nucléaire de l’Iran. Le tristement célèbre logiciel espion Pegasus sera probablement proposé en échange de survols israéliens.
La part de l’Europe dans les exportations d’armes d’Israël est de 30 % ; l’Asie et la région du Pacifique totalisent 44 % ; L’Amérique du Nord en achète 20 % ; et le reste est réparti entre l’Amérique latine et l’Afrique. La guerre en Ukraine signifie que davantage d’armes israéliennes se dirigeront vers l’Europe, en concurrence avec l’industrie américaine de l’armement, à partir de laquelle l’Europe importe actuellement 54 % de son armement total et de ses systèmes de sécurité.
L’annonce par l’Allemagne d’une augmentation annuelle de 100 milliards d’euros de son budget de défense a été suivie avec intérêt par Israël. On s’attend à ce qu’il exporte des missiles antichars et des gilets pare-balles aux Allemands, qui de leur côté vendent des sous-marins aux Israéliens.
L’augmentation du budget de la défense de la Suède devrait permettre d’acheter des obus de chars d’une valeur de dizaines de millions de dollars à Israël.
La Grande-Bretagne va faire de même, même si elle a considérablement réduit son budget de défense au cours des dernières décennies. Alors que les discussions se poursuivent sur son augmentation, les Britanniques ont acheté pour environ 11 millions de livres sterling d’équipement militaire auprès de fabricants israéliens.
L’Inde est le deuxième importateur d’armes au monde, devant l’Égypte, l’Australie et la Chine. Ce pays soutient qu’il n’a pas d’autre choix que de s’armer contre la Chine, dont la puissance militaire et économique ne cesse de croître.
Les exportations israéliennes vers l’Inde s’élèvent à 1 milliard de dollars par an. Les Indiens sont autorisés par Israël à fabriquer et à exporter des drones et des munitions de conception israélienne à travers l’Asie du Sud-Est. On pense que les systèmes laser actuellement développés en Israël finiront également en Inde.
Coïncidant avec le déclenchement de la guerre en Ukraine, Israël a organisé sa foire annuelle aux armements, avec des délégations de nombreux pays ayant des antécédents épouvantables en matière de droits de l’homme.
Les armes et munitions israéliennes sont « testées sur le terrain » contre les Palestiniens dans les territoires occupés, comme l’a révélé Yotam Feldman dans son documentaire de 2013 The Lab. C’est pourquoi il est dans l’intérêt d’Israël de maintenir son occupation militaire brutale : cela profite à l’industrie de l’armement.
L’État d’occupation espère que la dernière guerre en Europe accélérera les besoins en armes des gouvernements européens, et au profit d’Israël.
Israël est sur le point d’extirper beaucoup d’argent de la crise en Ukraine, et pas seulement de l’Europe. Il entretient des relations militaires étendues avec 130 pays qui investissent dans les armes israéliennes depuis des décennies par le biais d’importations, d’exportations, de formations et d’autres coopérations sécuritaires et militaires.
Il n’y a aucune restriction légale liée aux questions de droits de l’homme lors de la délivrance de licences d’exportation d’armes en Israël. Les entreprises israéliennes peuvent exporter des armes et des technologies offensives vers des pays qui commettent des violations flagrantes des droits de l’homme et des crimes contre l’humanité, comme le Myanmar et le Soudan du Sud.
Israël avait des liens militaires étroits avec le régime d’apartheid en Afrique du Sud, la junte en Argentine et le Rwanda pendant le génocide de 1994.
C’est un fait que l’économie d’Israël dépend des exportations d’armes, et qu’il profite de ses fréquentes offensives militaires contre les Palestiniens pour commercialiser ses armes de combat dans le monde entier.
Selon un fabricant d’armes israélien en 2014, l’industrie de l’armement en Israël s’estime lésée s’il n’y a pas d’opérations militaires à grande échelle contre les Palestiniens.
Il n’est pas surprenant qu’après la guerre contre les civils dans la bande de Gaza en mai dernier, l’industrie aéronautique israélienne ait conclu un accord avec un pays d’Asie pour des drones militaires d’une valeur de 200 millions de dollars.
En 2020, de tous les investissements mondiaux sur Internet, un tiers a été dirigé vers des entreprises électroniques israéliennes, dont beaucoup sont dirigées par des diplômés des agences de renseignement de l’État d’occupation.
Ce n’est plus un secret que les industries militaires israéliennes opèrent sans contrôle ni transparence, permettant à Israël de continuer à conclure des accords de sécurité, militaires et d’armement, avec le soutien des États-Unis et de l’UE, et d’établir des relations quasi normales avec des régimes fascisants de l’Europe de l’Est et de l’Afrique au Brésil.
Cela porte préjudice à des communautés déjà fragilisées et perpétue les divisions ethniques, sociales et économiques, même au sein de la société israélienne.
L’élargissement de la portée des conflits armés dans le monde, dont le plus récent est en Ukraine, stimule l’industrie de l’armement d’Israël. Et tant que ses intérêts militaires et économiques domineront sa politique, il sera dans son intérêt financier de maintenir l’occupation militaire de la Palestine et d’encourager des guerres sanglantes dans le monde.
Adnan Abu Amer dirige le département des sciences politiques et des médias de l'université Umma Open Education à Gaza, où il donne des cours sur l'histoire de la Cause palestinienne, la sécurité nationale et lsraël.Il est titulaire d'un doctorat en histoire politique de l'université de Damas et a publié plusieurs ouvrages sur l'histoire contemporaine de la Cause palestinienne et du conflit israélo-arabe.
Il travaille également comme chercheur et traducteur pour des centres de recherche arabes et occidentaux et écrit régulièrement pour des journaux et magazines arabes. Son compte Facebook.
*Source et Traduction : Chronique de Palestine
Version originale : 31 mars 2022 – Middle East Monitor