Par Nadjia Bouaricha (revue de presse : El Watan – 8/6/19)*
La réunion de l’OPEP prévue le 25 juin risque d’être houleuse ; pour cause, le double jeu saoudien. Le plus grand producteur de pétrole de l’Organisation des pays exportateurs de brut n’hésite pas à passer outre l’accord de réduction de l’offre de pétrole sur le marché en augmentant sa production, tout en continuant à appeler les autres membres de l’OPEP à ne pas se risquer à dépasser leurs quotas.
Une enquête de l’agence Bloomberg révèle que les Saoudiens prennent une part importante du marché pétrolier iranien en profitant des sanctions américaines contre cet Etat voisin. «L’Arabie Saoudite a intensifié sa production de pétrole le mois dernier au maximum de cette année, comblant en grande partie le vide créé par les sanctions plus sévères imposées par les Etats-Unis à son rival l’Iran», indique Bloomberg. Alors que la production iranienne a chuté de 230 000 barils par jour pour atteindre 2,32 millions par jour, la production saoudienne a quant à elle augmenté de 170 000 barils/jour pour atteindre 9,96 millions par jour.
Ceci au moment où l’offre totale des 14 membres de l’OPEP est restée inchangée à 30,26 millions de barils par jour, soit 40% de l’offre de pétrole sur le marché. L’Arabie Saoudite s’est donc offert une marge bien large pour contourner l’accord OPEP+ renouvelé en décembre dernier à Vienne. Riyad a répondu favorablement à l’appel de Washington pour maintenir le niveau des approvisionnements des marchés mondiaux inchangés malgré les sanctions contre l’Iran. Ceci n’empêche pas le ministre saoudien de l’Energie, Khalif El Falih, d’appeler au maintien de l’accord de réduction de l’offre de pétrole de l’OPEP afin de peser sur les prix.
Ainsi, Riyad veut gagner sur tous les fronts, combler le déficit pétrolier iranien et continuer de peser sur les prix. Même si l’offre saoudienne n’a pas atteint le seuil convenu des 10,3 millions de barils/jour, il se trouve que l’augmentation de sa production, assortie au maintien des productions irakienne et libyenne, met à mal l’accord OPEP+. «Les augmentations de l’Arabie Saoudite, de la Libye et de l’Irak maintiennent la production de l’OPEP. Cela ouvre la voie à une réunion controversée au cours de laquelle l’Organisation des pays exportateurs de pétrole et ses alliés auront du mal à trouver un accord pour l’examen des niveaux de production au cours du deuxième semestre de l’année», analyse Bloomberg. L’Iran, de son côté, avertissait de l’effondrement de l’Organisation en raison des mesures agressives prises par certains de ses membres.
Pour rappel, les tensions étaient déjà présentes lors de la dernière réunion de suivi de l’application de l’accord tenue en décembre dernier à Vienne et au cours de laquelle les membres de l’OPEP ont eu du mal à s’entendre sur une décision. C’est en fait un étranger à l’Organisation mais tout de même allié, la Russie en l’occurrence, qui était intervenu en dernier recours afin de faire parvenir le cartel à un accord. Une intervention qui a causé un malaise au sein de l’OPEP en laissant planer le doute sur son devenir.
Le rôle de plus en plus important que joue la Russie au sein du groupe OPEP+ n’est pas sans peser sur la cohésion du groupe et sur sa capacité à prendre des décisions en toute autonomie. Entre le double jeu saoudien et les velléités hégémoniques russes, l’Organisation des pays exportateurs de pétrole fait face à un réel défi et sa prochaine réunion ne sera pas un long fleuve tranquille. En attendant ce jour, les cours du pétrole n’affichent pas la grande forme.
*Source : El Watan (Algérie)