- Le général James Mattis, surnommé « Mad Dog » (chien enragé... ou fou !) futur secrétaire à la Défense -
Par Bill Van Auken (revue de presse: Mondialisation.ca, 10/12/16)*
La sélection mercredi à la tête du Département de la sécurité intérieure du général des Marines John Kelly, l’ancien chef du Commandement sud américain, fait que trois généraux récemment retraités ont été recrutés par le président élu Donald Trump à son nouveau cabinet.
Avant de nommer Kelly, Trump nomma conseiller à la sécurité nationale le lieutenant-général férocement antimusulman Mike Flynn, l’ancien directeur de la Defense Intelligence Agency [renseignements militaires].
Il a également annoncé son choix de l’ancien chef du Commandement central des États-Unis, le général de marine en retraite James Mattis, surnommé « Mad Dog » (chien enragé) pour ses déclarations répétées exprimant sa passion pour tuer, à la tête du département de la Défense. Pour entériner la désignation de Mattis en tant que Secrétaire de la défense, le Congrès doit approuver une dérogation l’exonérant d’une loi qui interdit aux officiers militaires qui ont servi en uniforme au cours des sept années précédentes de prendre le poste. Mattis a pris sa retraite en 2013 et a pris un siège au conseil d’administration d’un des principaux fournisseurs privés de l’armée, General Dynamics.
Il y a d’autres « officiers supérieurs » qui attendent dans les coulisses. Le général retraité David Petraeus, également ancien chef du Commandement central des États-Unis qui a brièvement servi comme directeur de l’Agence centrale de renseignement (CIA), est apparemment pressenti pour le poste de Secrétaire d’État, bien qu’il ait besoin d’une dérogation parce qu’il a quitté sa fonction active il y a moins de sept ans. Il devra également obtenir l’autorisation de son contrôleur judiciaire pour travailler à Washington ou voyager à l’extérieur des États-Unis. Il a été condamné à deux ans de probation l’année dernière après avoir plaidé coupable dans une affaire de remise de documents des renseignements classés secrets à sa maîtresse.
Le général à la retraite James Stavridis, ancien commandant suprême des forces alliées de l’OTAN, qui a rencontré Trump à New York jeudi, aurait également été envisagé pour le poste de secrétaire d’État. Avant la campagne électorale, il fut un temps pressenti comme candidat à la vice-présidence sur le ticket de la démocrate Hillary Clinton. Et l’amiral Michael Rogers, actuellement à la tête de l’Agence de sécurité nationale, serait un concurrent pour le poste de Directeur du renseignement national.
Le nombre d’officiers supérieurs qui sont rassemblés dans le Cabinet Trump fait ressembler l’administration entrante de plus en plus à une junte militaire latino-américaine. La remise du Département de la Défense, qui supervise la machine de guerre massive des États-Unis, et du Département de la Sécurité intérieure, qui coordonne un appareil d’État de police en croissance accélérée, entre les mains de deux généraux récemment retraités du corps des Marines des États-Unis, est particulièrement glaçante. Elle suggère un gouvernement qui vise à coordonner sans distinction la guerre à l’étranger et la répression à l’intérieur, sous le contrôle étroit d’une camarilla militaire.
Trump, l’escroc milliardaire qui a obtenu cinq reports pour éviter la conscription pendant la guerre du Vietnam, semble se réjouir de s’entourer de hauts gradés, de crier idiotement « Mad Dog Mathis » dans les rassemblements, comme si l’association avec l’architecte du massacre de Falloujah renforcera son image. Mais il y a une cause objective de la montée des militaires aux premières positions du gouvernement.
Cela fait maintenant plus de 55 ans que le président Dwight D. Eisenhower, ancien commandant des forces alliées de la Seconde Guerre mondiale, fit un discours d’adieu où il mettait en garde contre la « conjonction d’un immense establishment militaire et d’une grande industrie d’armement » dont « l’influence économique, politique et même spirituelle, se fait sentir dans chaque ville, chaque parlement d’État, chaque bureau du gouvernement fédéral. »
Eisenhower a averti : « Nous devons nous garder contre l’acquisition d’une influence injustifiée, recherchée ou non, par le complexe militaro-industriel. Le potentiel de la montée désastreuse d’un pouvoir mal placé existe et persistera. »
Il est hautement improbable qu’Eisenhower ait pu imaginer dans ses rêves les plus fous l’ampleur de la « montée désastreuse du pouvoir mal placé » exprimée dans l’administration entrante de Trump ou la vaste croissance de l’appareil militaire américain.
À 580 milliards de dollars, le budget du Pentagone consomme plus de la moitié des dépenses hors sécurité sociale du gouvernement fédéral chaque année. Si l’on y ajoute les fonds spéciaux pour les opérations extérieures qui n’en finissent pas, l’argent dépensé pour l’armement atomique et d’autres dépenses militaires spécifiques, le coût réel de la machine de guerre de Washington est plutôt de l’ordre de mille milliards de dollars par an.
Avec le budget du Pentagone, le pouvoir des hauts gradés de l’armée a augmenté de façon ininterrompue, en particulier au cours du dernier quart de siècle de guerres sans fin. La création de forces armées professionnelles « toutes de volontaires » a de plus en plus isolé les militaires de la société civile, créant une caste sociale distincte qui affirme de plus en plus agressivement ses intérêts politiques indépendants dans les affaires de l’État. Les responsables du « Commandement Interarmées de Combat » [COCOM, Unified Combatant Command], comme Mattis, Kelly, Petraeus et Stravidis, exercent un vaste pouvoir sur des régions entières du globe, éclipsant de loin tout ambassadeur ou autre représentant civil du gouvernement américain.
Alors que les hommes du rang de l’armée américaine semblent avoir fortement favorisé Trump dans l’élection, en partie par l’espoir égaré qu’il arrêterait les guerres sans fin en Afghanistan et au Moyen-Orient, la démocrate Hillary Clinton était la favorite des officiers supérieurs, qui la considéraient comme une partisane de longue date du militarisme et un soutien plus fiable à leurs préparatifs stratégiques pour la guerre contre la Russie.
En dehors de Flynn, aucun des anciens commandants militaires nommés ou considérés pour les postes supérieurs n’avait soutenu Trump. Certains d’entre eux avaient affronté l’administration Obama, Mattis sur l’Iran et Kelly sur Guantánamo, par exemple.
Autant Trump choisit des ex-généraux, autant il se peut que les généraux choisissent eux-mêmes de se joindre à son administration, confiants dans leur capacité à lui dicter sa politique en fin de compte.
L’administration Obama et les démocrates du Congrès ont annoncé jeudi qu’ils n’opposeraient aucun obstacle à la nomination de Mattis comme secrétaire à la Défense. Une mesure a été ajoutée à un projet de loi de dépense provisoire à être approuvée avant que le congrès ne s’ajourne ce week-end, ce qui accélérera la renonciation à l’interdiction légale des officiers militaires récemment retraités. Le débat sur la renonciation au Sénat doit être limité à 10 heures, même si ce sera la première fois qu’une telle renonciation sera accordée en plus de 60 ans.
Le porte-parole de la Maison Blanche, Josh Earnest, a déclaré que l’on « devrait accorder [à Trump] une grande latitude pour qu’il réunisse son équipe », et qu’Obama « croit que c’est un principe important ».
Plus important, apparemment, que le contrôle civil sur les forces armées. Le fait que ce principe constitutionnel fondamental soit devenu lettre morte, qu’il ne soit plus défendu par aucune partie importante de l’establishment politique, est l’une des manifestations les plus frappantes de la désintégration et de l’effondrement des institutions démocratiques bourgeoises aux États-Unis, ce qui a trouvé son expression politique la plus parfaite dans l’avènement de la présidence de Trump.
Ce qui est rassemblé dans les séances en cours dans les Trump Towers de New York est un gouvernement de guerre de classe, composé de milliardaires et de généraux. Il se tourne vers l’armée alors qu’il se prépare à mettre en œuvre des politiques de réaction sociale à l’intérieur et de guerre à l’étranger et à faire face à l’opposition populaire massive que ces politiques provoqueront au sein des travailleurs et des jeunes.
*Article paru en anglais, WSWS (9/12/16)
*Source: Mondialisation.ca
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