Par Gilles Munier/
Que la Turquie se soucie un peu plus de la situation des Turkmènes en Irak, et notamment de ceux résidant à Tal Afar (ou Tell Afar), est une bonne nouvelle. La prise de Mossoul par l’Etat islamique en Irak et au Levant (EEIL – Daech), le 14 juin 2014, avait fait passer au second plan celle de cette ville deux jours plus tard, et l’exode des Turkmènes chiites qui composaient sa population pour presque moitié.
A l’époque, Arshad al-Salihi, président du Front Turkmène Irakien, estimait à 350 000 les habitants de Tal Afar qui s’étaient réfugiés dans le sud de l’Irak. Il réclamait des armes et la création d’une zone de sécurité dédiée aux minorités menacées.
Une délégation de cheiks tribaux de Tal Afar s’était rendue à Erbil pour demander l’intervention des peshmerga et – proposition impensable avant la prise de la ville par Daech - l’intégration de leur district dans la Région autonome du Kurdistan. Sans résultat.
La Turquie n’avait pas particulièrement réagie. On expliquait ce silence par les bonnes relations entretenues par Recep Tayyip Erdogan avec Massoud Barzani, et par les contacts du MIT (Milli Istihbarat Teskilati), service secret turc, avec Abou Muslim Al-Turkmeni (tué depuis par un drone américain), né à Tal Afar, ancien membre des services secrets militaires du temps de Saddam Hussein, considéré comme le ministre de la Guerre de Daech.
Certes, la Turquie n’était pas avare en aide humanitaire et accueil de réfugiés, mais elle excluait toute aide militaire aux Turkmènes. Conséquence : en 2014, ceux assiégés pendant 85 jours dans Amerli – petite ville située entre Kirkouk et Bagdad - ont dû faire appel à la milice de Moqtada al-Sadr, à la Brigade Badr de Hadi al-Amiri et au général iranien Qassem Suleimani, pour les délivrer.
Ali Husseini, porte-parole de la composante turkmène de Hachd al-Chaabi a donc beau jeu de demander au président Erdogan où il était quand Tuz Khurmatu et Amerli étaient attaquées par l’EI.
La Turquie se doit aujourd’hui de veiller à ce que le retour des Turkmènes chiites à Tal Afar s’effectue dans des conditions aussi bonnes que possibles, c’est-à-dire sans pillages et exécutions sommaires, des exactions commises partout où Hachd al-Chaabi intervient.
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