Par Gilles Munier (Afrique Asie – novembre 2014)*
En septembre 2011, Nicolas Sarkozy aurait déclaré à Monseigneur Bechara Raï, patriarche maronite reçu à l’Élysée, que dans le contexte du «choc des civilisations », les chrétiens de Syrie et du Liban n’avaient « plus leur place au Machrek » et qu’ils pouvaient émigrer vers les vingt-sept États de l’Union européenne où ils sont déjà très nombreux. L’ancien président français ne passe pas pour un visionnaire, mais il était sans nul doute dans certains « secrets des dieux » qui planifiaient le remodelage du Proche-Orient.
Depuis l’entrée en lice de l’État islamique en Irak et au Levant (EIIL, Daash ou Daesh) dans le nord de la Syrie et la prise de la province de Ninive, les minorités ethniques non sunnites, ou rétives comme les Turkmènes, ont dû fuir au Kurdistan tout proche ou à l’étranger. À Erbil, les consulats occidentaux croulent sous les demandes de visas. Les Yézidis dont peu de monde avait entendu parler ont fait, un instant, la une des médias, mais les minorités turkmènes, assyriennes, arméniennes, shabaks et même palestiniennes, sont laissées à leur triste sort.
Toute la question est de savoir si les territoires occupés par les Kurdes après la prise de Mossoul le sont définitivement et si les villages reconquis sur l’EIIL demeureront viables. Le rêve de régions autonomes turkmène ou assyrienne semble s’éloigner à jamais.
Les Turkmènes – environ 3 millions –, quasiment désarmés, sont oubliés. La ville turkmène d’Amerli, assiégée pendant près de quatre-vingts jours par l’EIIL, a été reconquise grâce aux milices chiites et à l’appui déterminant des Forces Al-Quds du général iranien Qassem Suleimani.
En France, le chanteur Charles Aznavour, ambassadeur d’Arménie en Suisse et représentant permanent d’Erevan auprès de l’Onu et de l’Unesco, a pris la défense des chrétiens irakiens. Il suggère de les loger dans des villages abandonnés, avec pour « obligation de les reconstruire, de les faire revivre, de labourer à nouveau des terres dont la fertilité ne fait aucun doute ». Interrogé sur Europe 1 le 25 août dernier sur l’attitude à adopter face à l’État islamique, le chanteur a été d’une rare violence : « On ne discute pas avec des étrangleurs ! On fait comme eux : vous égorgez, on égorge. Œil pour œil, dent pour dent!»
Source : Afrique Asie (novembre 2014 – p.54)
Photo : Le général iranien Qassem Suleimani à Amerli
Version augmentée, le 3/11/14