Par André Damon (revue de presse : WSWS – 31/10/22)*
Jeudi, l’armée américaine a publié trois documents stratégiques qui dévoilent des plans de conflit avec la Chine et la Russie et déclarent que les armes nucléaires constituent le «socle» de la stratégie militaire américaine.
La publication de la Stratégie de défense nationale, de l’Examen de la posture nucléaire et de l’Examen de la défense antimissile intervient moins de deux semaines après que le gouvernement Biden a publié sa Stratégie de sécurité nationale. Il y promettait que les États-Unis «gagneraient» le conflit avec la Russie et la Chine durant ce qu’il appelait une «décennie décisive».
Ces documents insistent à nouveau sur les affirmations fondamentales faites en 2018 par la Stratégie de défense nationale du gouvernement Trump. Celle-ci déclarait : «la concurrence stratégique interétatique, et non le terrorisme, est désormais la principale préoccupation de la sécurité nationale des États-Unis».
En présentant la Stratégie de défense nationale, le secrétaire à la Défense Lloyd Austin a qualifié la Chine de «défi du rythme» pour l’Amérique, tandis que la Russie constituait une «menace immédiate et aiguë.»
Austin a déclaré que la Chine restait le seul adversaire «ayant à la fois l’intention de remodeler l’ordre international et, de plus en plus, le pouvoir de le faire».
La Stratégie de défense nationale qualifie la Chine de «défi le plus complet et le plus sérieux pour la sécurité nationale des États-Unis», et l’Examen de la posture nucléaire affirme que «d’ici les années 2030, les États-Unis seront, pour la première fois de leur histoire, confrontés à deux grandes puissances nucléaires en tant que concurrents stratégiques et adversaires potentiels».
Commentant la signification de ces documents, l’Atlantic Council a précisé que les références au «conflit» dans les documents devaient être comprises comme des références au «conflit cinétique», c’est-à-dire à la guerre armée.
Si l’on ajoute l’accent mis sur «faire campagne», cela dit haut et clair que le monde est aujourd’hui activement contesté et que le Département de la Défense (DOD) et l’ensemble du gouvernement américain ne préparent pas juste un conflit cinétique potentiel, mais qu’ils sont déjà engagés dans une contestation active centrée sur la Chine et accessoirement sur la Russie.
L’accent mis par la Stratégie de défense nationale sur le «faire campagne» signalera que le DOD et d’autres ministères américains mènent déjà des opérations pour désavantager la Chine, ce qui équivaut à une nouvelle guerre froide. L’époque où le DOD prétendait que ses activités – opérations de liberté de navigation, vols de reconnaissance, exercices multilatéraux – n’étaient que des «choses que nous avons toujours faites» est révolue.
En mars 2020, alors qu’il faisait campagne pour la présidence, Biden avait promis de répudier la «première utilisation» des armes nucléaires. Il écrivait: «Je crois que le seul objectif de l’arsenal nucléaire américain devrait être de dissuader et, si nécessaire, de riposter à une attaque nucléaire. En tant que président, je m’efforcerai de mettre cette conviction en pratique, en consultation avec l’armée américaine et les alliés des États-Unis».
Le document de stratégie nucléaire de Biden ne se contente pas de rejeter ce point de vue, il dévoile de manière positive une vision globale des armes nucléaires comme constituant le «socle» de la stratégie militaire américaine.
Le document, selon la fiche d’information du ministère de la défense américain:
reconnaît que les armes nucléaires sous-tendent toutes nos priorités de défense nationale et qu’aucun élément de la puissance militaire américaine ne peut remplacer les effets dissuasifs uniques que procurent les armes nucléaires. Bien que le rôle fondamental des armes nucléaires américaines soit de dissuader une attaque nucléaire, plus largement elles dissuadent toute forme d’attaque stratégique, rassurent alliés et partenaires, et nous permettent d’atteindre les objectifs présidentiels si la dissuasion échoue.
En d’autres termes, les États-Unis se réservent le droit d’utiliser des armes nucléaires pour répondre à une attaque non nucléaire, ce qui brouille la distinction entre conflit «conventionnel» et guerre nucléaire.
Ce point est développé dans le briefing du ministère de la Défense. Selon un responsable du ministère, l’Examen de la posture nucléaire «établit une stratégie qui repose sur les armes nucléaires pour dissuader toute forme d’attaque stratégique. Cela inclut l’emploi de l’arme nucléaire à n’importe quelle échelle, et cela inclut les attaques de nature stratégique à forte conséquence qui utilisent des moyens non nucléaires».
La publication du document a été rapidement condamnée par les experts en contrôle des armements. «L’Examen de la posture nucléaire (NPR) non classifié du gouvernement Biden est, au fond, un document terrifiant», a écrit l’Union of Concerned Scientists (UCS).
«Non seulement il maintient le monde sur la voie d’un risque nucléaire grandissant, mais à bien des égards, il augmente ce risque», a fait valoir l’UCS, affirmant que «la seule réponse américaine viable consiste à reconstruire l’ensemble de l’arsenal nucléaire américain, à maintenir un ensemble de politiques nucléaires dangereuses datant de la guerre froide et à menacer d’utiliser en premier les armes nucléaires dans divers scénarios».
Cette organisation poursuit ainsi:
La réalité est qu’un simple appel téléphonique du président et l’émission d’un code plus court qu’un tweet pourraient conduire au lancement de centaines de missiles à armement nucléaire en moins de cinq minutes. Ceux-ci atteindraient leurs cibles en moins d’une demi-heure avec des ogives vingt fois plus destructrices que la bombe qui a détruit Hiroshima.
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