Par Philip Giraldi (revue de presse : ITRI – 17/5/21)*
[…] Malgré l’extrême violence et le racisme derrière ces attaques, cette histoire ne semble pas intéresser le nombre disproportionné de sionistes parmi les rédacteurs en chef et les journalistes américains [ou occidentaux en général]. En cours de route, les Juifs en colère ont tabassé des Palestiniens et ont attaqué leurs maisons et leurs commerces dans l’un des derniers quartiers arabes de la vieille ville, Sheikh Jarrah.
Les attaques contre les Palestiniens, y compris leurs maisons et leurs moyens de subsistance, se sont multipliées à Al-Quds (Jérusalem) et en Cisjordanie occupée au cours des derniers mois, sans aucune intervention de la police israélienne. Les colons auraient fait partie d’un groupe israélien de droite appelé Lehava qui a organisé la violente manifestation dans le but de « restaurer la dignité juive » en « cassant la gueule des Arabes ». Lehava a prétendu qu’il ne s’agissait que de vengeance après des attaques présumées contre des Juifs par des Palestiniens à Al-Quds (Jérusalem) et aux alentours, mais la plupart des rapports indiquent que les violences récentes ont plutôt été causées par des groupes d’adolescents juifs à la recherche de problèmes. […]
105 Palestiniens ont été blessés et 22 sont toujours à l’hôpital. Un Palestinien a reçu une balle dans la tête par un garde-frontière armé qui a tiré sur les contre-manifestants, et il y a des informations non confirmées selon lesquelles au moins quatre autres Arabes sont morts.
Dans un monde normal et si les États-Unis (où les pays de l’UE) avaient un gouvernement normal qui adhérait à une sorte de boussole morale, il aurait pu y avoir une protestation venant de l’administration du Président Joe Biden ou du Congrès qui est la « maison du peuple », mais il n’y a pas eu le moindre gémissement de protestation. Au contraire, si le Congrès pensait à Israël, il regardait dans une direction très différente, vers ceux que le Premier ministre Benjamin Netanyahou a déclaré être les ennemis de son pays. Les attaques de colons israéliens ont commencé le 22 avril, ironiquement le jour même où les membres du Congrès Ted Deutch et Michael McCaul ont publié une lettre qu’ils avaient parrainée. La lettre avait pour but de mettre fin à toute considération selon laquelle les États-Unis pourraient simplement conditionner leurs milliards de dollars de largesses à l’État juif chaque année sur la base du fait que Netanyahou et sa bande de criminels de guerre se retiennent un peu.
Une telle possibilité a été soulevée par les sénateurs Elizabeth Warren et Bernie Sanders, ainsi que par une poignée d’autres législateurs courageux, qui ont exprimé leur inquiétude qu’Israël agisse sans retenue tant qu’il sait que son argent de Washington continuera de couler à flots. En particulier, Israël fait actuellement pression sur le Congrès et utilise son influence médiatique pour s’opposer à tout retour des États-Unis dans l’accord multilatéral visant à limiter et à inspecter le programme de développement nucléaire de l’Iran, ce que Biden semblerait avoir l’intention de faire. L’accord précédent, qui était respecté par l’Iran, est devenu en grande partie lettre morte lorsque le Président Donald Trump, agissant au nom des principaux donateurs juifs du GOP ainsi que ses conseillers néo-conservateurs, s’est retiré du plan existant, le JCPOA, en 2017.
La lettre a été signée par 330 membres du Congrès, à peu près moitié républicains et moitié démocrates, soit près des deux tiers de la Chambre et du Sénat. Elle commence par « Alors que les États-Unis font face à des défis mondiaux pressants, nous croyons fermement qu’une aide étrangère robuste des États-Unis est vitale pour garantir nos intérêts en matière de sécurité nationale à l’étranger. Un programme qui bénéficie d’un soutien bipartite particulièrement fort et pour lequel nous, Démocrates et Républicains, demandons instamment que vous continuiez à soutenir fermement, est le financement intégral de l’aide à la sécurité à Israël. » Puis les balivernes habituelles sur la façon dont « Israël continue de faire face à des menaces directes de l’Iran et de ses mandataires terroristes… Notre aide à Israël est une dépense vitale et rentable qui fait avancer d’importantes intérêts de sécurité nationale américains dans une région très difficile. »
Bien sûr que c’est le cas ! Il suffit de demander aux victimes de l’attaque israélienne contre le navire américain USS Liberty en juin 1967, qui a tué 34 Marines et en a blessé 171 autres. Mais peu importe. La seule chose qui manquait dans la lettre était l’affirmation standard qu’Israël est le meilleur ami des États-Unis dans le monde entier, ce qui est obligatoire dans ces documents, probablement parce que tout le monde au Congrès l’a déjà accepté. Il faut aussi se demander pourquoi les 205 autres membres du Congrès n’ont pas signé la lettre, cet acte étant également obligatoire, et il faut supposer que leurs mères venaient de mourir ou quelque chose de similaire.
La lettre rappelle également que « le Président Biden a déclaré : ‘Je ne vais pas mettre en place des conditions pour l’assistance à la sécurité étant donné les graves menaces auxquelles Israël est confronté, et cela serait, je pense, irresponsable’ » avant d’ajouter que « Réduire le financement ou ajouter des conditions sur l’assistance à la sécurité serait préjudiciable à la capacité d’Israël de se défendre contre toutes les menaces. »
Le Comité américain des affaires publiques israéliennes (AIPAC), considéré comme l’élément le plus visible du lobby israélien, a été très satisfait de la lettre. Son porte-parole, Marshall Wittmann, a déclaré au site Web Jewish Insider que la lettre est « une déclaration bipartisane très forte selon laquelle une assistance sécuritaire complète à Israël – sans conditions supplémentaires – est dans l’intérêt de la sécurité nationale des États-Unis. »
Pour une fois, il serait agréable de voir quelqu’un au Congrès ou à la Maison Blanche admettre que lier ses arrangements de sécurité à une nation que la plupart des pays du monde considère comme « Etat-voyou » n’est pas exactement une chose intelligente à faire, mais tout dépend de la façon dont on définit « intelligent ». Il est intelligent pour un membre du Congrès en herbe d’avoir à ses côtés les médias dominés par les Juifs et l’invincible lobby israélien. Il est intelligent de recevoir une tape affectueuse de l’AIPAC sur la tête. Il convient de noter, bien sûr, que la lettre et les commentaires qui l’entourent ne font aucune référence au comportement des foules juives déchaînées à Al-Quds (Jérusalem) qui étaient assoiffées de sang, même si cela se produisait alors que le document était diffusé dans les médias.
En plus de la « menace » posée par des législateurs comme Sanders et Warren, la lettre était clairement destinée à relever un défi venant de la membre du Congrès Betty McCollum, qui a parrainé à deux reprises une législation pour interdire à Israël d’utiliser l’aide financière américaine pour torturer les Arabes et, en en particulier, tabasser et emprisonner des enfants palestiniens. Sa législation sur la Promotion des droits de l’homme pour les enfants palestiniens vivant sous l’occupation militaire israélienne, H.R. 2407, modifie une disposition de la loi sur l’assistance étrangère connue sous le nom de « loi Leahy » pour interdire le financement de la détention militaire d’enfants dans tout pays, y compris Israël. McCollum fait valoir qu’environ 10 000 enfants palestiniens ont été détenus par les forces de sécurité israéliennes et poursuivis devant les tribunaux militaires israéliens depuis 2000. Ces enfants, âgés de 11 à 15 ans, ont parfois été torturés par des étranglements, des coups et des interrogatoires coercitifs.
La lettre de Deutch-McCaul est apparue comme par hasard moins d’une semaine après que McCollum, rejointe par 15 co-parrainants démocrates progressistes, a soumis son projet de loi, qui, certes, ne sortira jamais du Comité pour passer au vote. En septembre 2020, environ 157 enfants étaient toujours détenus dans les prisons israéliennes, et bien qu’il soit difficile de répartir l’argent vers Israël qui est avancé en une somme forfaitaire, on pourrait penser que l’objectif est admirable pour quiconque, si ce n’est le puissant lobby israélien toujours en alerte.
L’engagement du Congrès, ainsi que son message clair selon lequel il y a suffisamment de votes pour annuler toute tentative de la Maison Blanche de réduire l’aide inconditionnelle à Israël, vise également à envoyer un avertissement à une autre menace perçue pour Israël, celle du boycott non violent croissant du Mouvement Boycott, Désinvestissements et Sanctions (BDS). Le mouvement, qui est particulièrement fort sur les campus universitaires, est de facto criminalisé dans les États de tout le pays, au moins 26 jusqu’à présent, et cela continue, sans parler des projets de loi du Congrès qui feraient peut-être de la question du boycott d’Israël un crime passible de graves peines d’emprisonnement et de lourdes amendes.
Le message primordial est que les amis d’Israël aux États-Unis, ainsi que dans des pays comme la Grande-Bretagne, la France et le Canada, sont trop forts pour être confrontés. Dans ce cas, le racisme évident et le recours à la violence meurtrière par une large composante de la population israélienne devraient résonner avec un Congrès et des médias en raison des récentes convulsions vécues ici chez nous. En effet, la plupart des « faiseurs d’opinion » sautent dans le train de Black Lives Matter (BLM). Ce soutien pour BLM est ironiquement très visible dans les actions entreprises par les principaux groupes de défense israéliens comme l’AIPAC et l’Anti-Defamation League (ADL), mais cela ne signifie pas qu’il y ait une empathie à partager pour le sort des Palestiniens. En effet, ce sont des mesures prises pour se rapprocher des Noirs afin de contenir tout éventuel sentiment pro-arabe.
Une exigence de réponse humaine aux souffrances des Palestiniens ne transparaîtra jamais aux États-Unis car, franchement, Israël et ses partisans ont assidûment acheté le contrôle des médias américains ainsi que de la Maison Blanche et du Congrès à un point tel qu’ils peuvent obtenir ce qu’ils veulent et ne jamais être contestés. Cela, bien sûr, doit prendre fin, mais la vraie question est de savoir comment y parvenir alors que nous, le peuple, avons été effectivement privés de nos droits sur la question. Quand votre gouvernement a été acheté et votre liberté d’expression limitée par les oligarques qui contrôlent ce qui passe dans les médias, où allons-vous ? C’est en effet une impasse.
Philip M. Giraldi est un ancien spécialiste de la lutte contre le terrorisme et officier du renseignement militaire de la CIA qui a servi dix-neuf ans à l’étranger en Turquie, en Italie, en Allemagne et en Espagne. Il a été chef de la base de la CIA pour les Jeux olympiques de Barcelone en 1992 et a été l’un des premiers Américains à entrer en Afghanistan en décembre 2001. Il est directeur exécutif du Council for the National Interest, un groupe de défense basé à Washington qui cherche à encourager et à promouvoir une politique étrangère américaine au Moyen-Orient conforme aux valeurs et aux intérêts américains.
*Source : ITRI (Institut Tunisien des Relations Internationales)
Version originale : TheUnzReview
Traduction : lecridespeuples.fr
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