Norman Finkelstein
Par Jane Adas (revue de presse: Washington Report on the Middle East Affairs- Extrait – février 2018)
…(…)… Le 30 janvier, lors d’un débat organisé par le Centre d’Etudes Palestiniennes (Center for Palestinian Studies) Norman Finkelstein a évoqué un aspect de son dernier livre « Le droit international vu au travers des réalités politiques ». Il a insisté sur le rôle joué par les organisations des droits de l’homme, particulièrement Human Right Watch (HWR) et Amnesty International (AI), quasi gardiens des droits de l’homme, notant cependant que leurs actions fluctuaient en fonction de la situation politique.
Il a qualifié les rapports publiés par ces organisations, au moins jusqu’à présent, comme « étant inattaquables ». « Elles ne mentent pas ». La question se pose lors de leurs interprétations des faits, pour définir si une opération constitue un crime de guerre ou un crime contre l’humanité. Il a remarqué que ni l’une ni l’autre des ces organisations n’a de scrupule à accuser les ennemis d’Israël – le Hezbollah et le Hamas- de crimes de guerre, par le biais du recours supposé à des armes indiscriminées et de cibler les civils. Elles sont beaucoup plus accommodantes avec Israël. Par exemple, après le cessez-le-feu initié par les Nations Unies dans la guerre de 35 jours d’Israël, en 2006, contre le Liban, Israël a lâché 4.6 millions de bombes à fragmentation sur 40 villages libanais.
Les résultats furent que HWR avait conclu à l’utilisation « d’un système indiscriminé de lâchage » visant les concentrations de population sans objectif militaire » avec pour conséquence qu’ « Israël avait peut-être commis un crime de guerre… en certains endroits ».
Cast Lead (Plomb durci) d’Israël contre Gaza en 2008-2009 fut, selon Finkelstein, un tournant dans la vision du public envers Israël. AI comme HWR ont publié de multiples rapports, et le total de ceux-ci pour toutes les organisations dépassait 300. Par exemple, « Pluie de feu » de HWR avait trouvé que les attaques au phosphore blanc sur des écoles, des hôpitaux, des dépôts d’aide humanitaire et un marché constituaient des crimes de guerre. AI concluait que les attaques par hélicoptère et drones de haute précision qui firent de nombreuses victimes parmi les enfants et les civils en étaient aussi.
Puis vint le rapport Goldstone en septembre 2009 du Conseil des droits de l’homme des Nations unies qui décrivait l’opération « Plomb durci » comme un ensemble d’attaques délibérément disproportionnées, destinées à punir, humilier et terroriser la population civile. Richard Goldstone, juriste sud-africain, très respecté, juif et sioniste pro-israélien, était, comme le décrit Finkelstein, immunisé contre la machine de propagande israélienne. En d’autres termes, l’étiquette d’antisémite ne pouvait être brandie à son encontre. Cela a entraîné panique et hystérie chez les Israéliens. Le dénigrement devint personnel et vilain. Netanyahou le désigna comme l’une des trois menaces stratégiques de l’Etat juif.
Le 1er avril, Goldstone se déjugeait dans un éditorial du Washington Post dans un style que Finkelstein jugeait ne pas être le sien, simple et précis. Pourquoi ? Goldstone avait-il succombé à une campagne de diffamation ? Finkelstein pense que lui ou un membre de sa famille était l’objet d’un chantage. La communauté des organisations des droits de l’homme découragée et fatiguée par les désastres a retenu la leçon « la prudence veut que nous ne soyons pas trop durs avec Israël ou, plus sagement, que nous ne dérangions pas son agenda ».
L’opération « Mur de Protection » en 2014 s’étendit au-delà de « Plomb durci ». Peter Mauer du Comité International de la Croix Rouge, écrivait, après une inspection à Gaza, « je n’avais jamais vu, jusqu’à présent, des destructions aussi colossales ». Il y eut peu d’enquêtes. AI a été la seule à publier des rapports, cinq en tout, « tous de honteuses entreprises de blanchiment ». AI a essayé d’équilibrer les souffrances des deux parties, mission impossible avec la mort de 1600 civils palestiniens contre 6 Israéliens. 550 enfants palestiniens périrent contre un en Israël. 18000 demeures furent détruites contre une. AI dépeint les actions d’Israël comme des opérations militaires, poussées trop loin. Cette thèse est démentie par les témoignages de soldats de Breaking the Silence (Briser le Silence) qui décrivent les militaires utilisant une puissance de feu démentielle et des tirs sur tout ce qui bougeait.
A une question d’un membre du public sur les raisons du changement d’attitude des organisations des droits de l’homme après « Plomb durci », à savoir le poids des lobbies ? L’intimidation ? La pression des donateurs ? Finkelstein a répondu qu’Israël a changé de tactiques au cours des dernières décennies, devenant de plus en plus cruel. Pour lui, le changement est dû à la peur « et la peur est réelle ».
Source (version originale): Washington Report on the Middle East Affairs
Traduction et Synthèse: Xavière Jardez
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