par Frédéric Delorca (revue de presse : Atlas Alternatif - 26/4/14)*
Le Soudan du Sud, Etat de 10 millions d'habitants créé par les Occidentaux à la suite de pressions contre le Soudan, a été théâtre la semaine dernière de terribles massacres à Bentiu (capitale d'une province pétrolière), dans le nord du pays, et à Bor (stratégique pour les voies de communication), dans un base de l'ONU à l’est, dans lesquels des centaines de civils dinka ont été tués par les forces nuer de l'ancien Vice-président Riek Machar (selon le gouvernement, mais les partisans de Machar contestent cette version des faits). Cette semaine plus de 78 000 civils chercheraient encore refuge dans les huit bases de la Mission des Nations Unies au Soudan du Sud (MINUSS). Un million de civils ont été déplacés depuis décembre.
Le Parlement kényan a approuvé dans la nuit de jeudi à vendredi l’envoi de 310 soldats supplémentaires sur le sol sud-soudanais afin d’aider à la stabilisation du pays.
En janvier dans le London Evening Post Rebecca Garang, surnommée par ses partisans la "mère de la nation", veuve de l'ex combattant de l'indépendance John Garang, d'origine dinka, évoquait les origines de la crise en ces termes : début décembre, les partisans de Machar ont reproché au président Salva Kiir d'entretenir une armée parallèle ("garde républicaine" de 15 000 hommes), de fabriquer de toute pièce une dette de 4,5 milliards de dollars. Selon elle, le président s'est répandu en provocations le 14 décembre au Conseil national de libération. Le 15 décembre les soldats nuer du Quartier général présidentiel ont été désarmés sous l'accusation de préparer une mutinerie, et la maison de fonction de Riek a été détruite tandis que la trentaine de soldats qui la gardaient ont été tués ainsi que le frère de Machar. Mme Garang déplore le despotisme de Kiir et la spoliation du peuple du Soudan du Sud "Il n'ya pas de liberté d'expression, il n'y a aucune liberté de la presse. Les services sociaux de base ne sont pas assurés pour notre peuple, pas d'écoles, pas d'hôpitaux, pas de routes, rien. Et pourtant nous avons des ressources", dit-elle. Le limogeage avant-hier du général James Hoth Mai d'ethnie nuer, remplacé par le général Paul Malong, est perçu comme un signe de repli du président Kiir sur sa base ethnique.
L'Ouganda de Museveni, allié traditionnel des Etats-Unis, est aux côtés des forces de Kiir pour réprimer les soldats nuers de Machar pourtant naguère présentés comme des clients des Occidentaux et aujourd'hui accusés de s'entraîner en Heglig en territoire nord-soudanais (ce que Khartoum a démenti). Khartoum et Kampala sont en froid depuis quelques jours, le gouvernement soudanais accusant l'Ouganda de soutenir le Front révolutionnaire du Soudan (coalition de rebelles du Darfour, du Sud-Kordofan et du Nil Bleu). Khartoum a rappelé son ambassadeur en Ouganda et aurait, selon le premier ministre ougandais Amma Mbabazi, repris son soutient à l'Armée de la Résistance du Seigneur contre laquelle Washington a envoyé ses forces spéciales l'an dernier. Les Etats-Unis qui officiellement se disent prêts à sanctionner les deux parties au conflit sont accusés de soutenir en fait les deux protagonistes. Wikileaks a révélé que depuis 2009 ce sont eux qui paient les soldats du Sud-Soudan (aussi bien ceux de Kiir que ceux de Machar) tandis que Machar recevrait des armes de l'Ethiopie (qui entretient la présence de 10 000 soldats dans la zone des champs pétroliers où elle s'approvisionne).
Selon Thomas C. Mountain, contributeur de Counterpunch.org basé en Erythrée, derrière les larmes de crocodiles versées sur les massacres de civils pourrait se cacher un intérêt des Etats-Unis à entretenir une guerre entre des clients des Occidentaux pour interdire l'accès de la Chine au pétrole de la région.
Photo: Drapeau du Soudan du Sud
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