Traduction et synthèse: Xavière Jardez (AFI-Flash n°114)
Comment un juge aussi expérimenté que le juge sud-africain Richard Goldstone, habitué à peser, vérifier les faits, à juger de la validité des preuves offertes à un instant T, a-t-il pu retirer, en faveur d’Israël, une partie des constatations qu’il a inscrites dans son Rapport sur l’Opération israélienne sur Gaza surnommée « Plomb Endurci » ?
Telle est la question qu’une partie de la communauté juive sud-africaine se pose. Si certains y voient une victoire, d’autres dont l’analyste politique anti-sioniste, Steven Friedman, considère cette rétractation comme le résultat d’une intimidation.
Rappelons que l’ancien juge sud-africain de la Cour Suprême a conduit la mission d’investigation de l’ONU, composée de deux autres personnalités, dont le rapport, émis en septembre 2009, a accusé les Forces de Défense israéliennes et le Mouvement Palestinien, Hamas, de crimes de guerre au cours de l’offensive israélienne sur Gaza. 1400 Palestiniens, dont au moins une moitié de civils, avaient été tués, 7000 blessés, 4000 maisons détruites ainsi que la plupart de l’infrastructure de Gaza. Israël avait perdu 10 soldats, et 3 civils furent tués par les missiles tirés par le Hamas (!).
Les pressions ont dû être intenables
Dans un commentaire paru dans le Washington Post du 8 avril 2011, Goldstone écrit :« si j’avais su ce que je sais maintenant, le Rapport Goldstone aurait été un tout autre document ». Il reproche à Israël de ne pas avoir coopéré avec les enquêteurs pour ce qu’il estime être les inexactitudes du Rapport.
Mais, Steven Friedman, professeur à l’Université de Johannesburg et analyste politique, qualifie de « ridicules » les arguments avancés par le juge. « J’imagine que les pressions exercées sur lui (par la communauté juive) ont dû être intenables ».
Dans ce même article, Goldstone accepte le résultat d’une enquête israélienne sur le bombardement d’une maison palestinienne qui avait tué les 29 membres d’une même famille selon laquelle cette action découlerait d’une interprétation erronée d’une image prise par un drone par le Commandement israélien. « C’est risible et l’on peut estimer que Goldstone y souscrit en raison d’intenses brimades » commente Friedman qui peut, lui-aussi, témoigner de pressions de la communauté juive sur ses membres dissidents.
Goldstone, ancien juge anti-apartheid, est un membre actif de la communauté juive sud-africaine. Après son Rapport, il a presque été exclu, l’an dernier, de la cérémonie du bar-mitzvah de son petit-fils à cause d’éventuelles menaces de protestation. Ces dernières furent levées mais sa participation eut lieu sous haute surveillance et dans un climat d’hostilité.
Une victoire israélienne en demi-teinte…
Zev Krengel, porte-parole du Groupe des Députés Sud-Africains Juifs dément les accusations de brimades. « Après le bar-mitzvah, on l’a interrogé, au cours de discussions, d’une manière très professionnelle sur le Rapport. Il n’y a eu aucune pression ». Cependant, dans un entretien avec le website israélien, Ynetnews, le frère de Zev Krengel, Avrom Krengel, porte-parole de la Fédération sioniste sud-africaine, a déclaré que le lobby juif sud-africain avait joué un rôle dans la rétractation de Goldstone.
« Nous l’avons rencontré, il y a un an, et au cours de cette rencontre, il a maintenu sa position. D’un autre côté, nous lui avons dit pourquoi nous étions en colère. Il a beaucoup souffert, particulièrement dans la ville d’où il vient. Nous avons pris partie contre lui et cela nous a encouragé de constater que notre manière de faire avait un impact sur l’opinion internationale ce qui lui a fait regretter ses observations ».
Pour Steven Friedman « la communauté ne l’a pas réintégré… Elle veut sa peau en l’obligeant à ramper ou à se planter son épée ».
La réaction de la presse israélienne à l’article de Golstone a été un mélange de jubilation et de colère ; un journaliste a même écrit : « Goldstone ne mérite ni le pardon, ni la pitié ».
Zev Krengel interrogé par le Mail and Guardian, en Israël, a noté que le ton de la presse israélienne n’était pas à la jubilation mais à la défense. « C’est une victoire en demi-teinte… ». Il espère que Richard Goldstone qui ne donne plus d’interviews à la presse en dira plus et retirera son Rapport. « Pour nous, ce sera une victoire s’il revenait sur son Rapport et la manière dont il a été élaboré ».
Source :
Goldstone was bullied into recanting (Mail and Guardian, Afrique du sud, 8 -14 avril 2011)
http://mg.co.za/article/2011-04-07-goldstone-was-bullied-into-recanting