Par Gilles Munier (4/1/21)
Derniers développements dans l’enquête sur l’assassinat du général Soleimani et d’Abou Mahdi al-Muhandis par un drone tueur US, près de l’aéroport de Bagdad, le 3 janvier 2020.
A l’Université de Téhéran, Ebrahim Raïssi, chef de l’Autorité judiciaire iranienne, a déclaré lors du premier anniversaire de la mort du général : «Ne pensez pas que quelqu’un comme le président de l’Amérique, qui apparaît comme un assassin ou qui a ordonné un assassinat, peut s’en tirer (...) Jamais». « Ceux qui ont joué un rôle dans ce meurtre ne seront nulle part en sécurité sur cette terre».
La société de sécurité G4S impliquée ?
Le procureur iranien Ali Alqasi-Mehr a ajouté à sa liste de complices du meurtre la base US de Ramstein en Allemagne qui aurait servi de relai pour guider le drone tueur.
Il a accusé la direction de la société américano-britannique G4S, en charge de la sécurité de l’aéroport de Bagdad, d’être impliquée dans le meurtre, ce qu’a tout de suite démenti son porte-parole londonien en déclarant qu’il s’agissait de « spéculations infondées ».
Ce n’est pas l’avis de Qaïs al-Khazali, secrétaire général de la milice pro-iranienne Asai’b Ahl al-Haq. Dans « Le dernier voyage », un documentaire diffusé en Irak, il a affirmé que les caméras de surveillance de G4S ont permis de suivre les déplacements de la cible [Soleimani] au sortir du salon VIP. Et il a ajouté : « Habituellement, lorsqu'un avion atterrit à l'aéroport, G4S est présent à un endroit précis près du site d'atterrissage, mais la nuit de l'assassinat, le véhicule de l'entreprise était stationné exactement sur la voie des passagers, ce qui peut être traduit qu’elle avait une mission particulière à accomplir ».
En Irak, les accusations portées contre G4S par les milices chiites ne sont pas nouvelles et leurs réactions parfois violentes : le 3 septembre 2020, un drone a largué un explosif sur son siège à Bagdad provoquant des dégâts importants, mais pas de victimes. Soupçonnée : la « résistance » - c’est-à-dire des groupuscules non identifiés - n’a pas revendiqué l’attaque.
« Stop G4S »
G4S a été introduite en Irak en 2010, sous le gouvernement de Nouri al- Maliki, une époque où la société britannique était accusée de vendre des « instruments de torture » aux Israéliens.
En dépit de la campagne internationale « Stop G4S » lancée par BDS (Boycott, Désinvestissement et Sanctions) pour sa gestion des Palestiniens incarcérés dans les prisons israéliennes, son contrat en Irak a été reconduit par Haïdar al-Abadi et Adel Abdel-Mahdi, les successeurs d’Al-Maliki. Il y a de quoi se poser des questions. Certes, G4S s’est apparemment retirée du marché israélien, mais pour se voir chargée de la sécurité du Hajj en Arabie saoudite sous le nom d’Al Majale G4S . Tout un programme !
En Irak, on se demande sans illusion si Moustapha al-Kazimi, actuel Premier ministre, osera résilier le contrat de G4S.
Le drone tueur avait été autorisé à survoler l’Irak
L’ancien Premier ministre irakien Haïder al-Abadi a accusé, le 12 décembre 2020, le gouvernement intérimaire irakien – dirigé par son successeur Adel Abdul-Mahdi - d’avoir autorisé le survol du pays par le drone qui a tué le général Qassem Soleimani et Abou Mahdi al-Muhandis, chef adjoint des Hashd Al-Chaabi.
En août 2019, Adel Abdul-Mahdi avait publié un ordre interdisant aux avions étrangers – y compris ceux de la coalition – de survoler l’Irak sans l'approbation préalable du Commandement irakien des opérations conjointes (JOC), un organisme dépendant directement de lui.
Al-Abadi a précisé que l’autorisation donnée à trois drones US d’entrer dans l’espace aérien de Bagdad, et de se diriger vers l’aéroport, avait été prise par Jabbar Obeid Kazem, commandant de la défense aérienne irakienne. S’agissant d’une opération secrète, le Pentagone n’avait évidemment pas informé le JOC de l’objectif de leur mission...
Mandats d’arrêt
En juin dernier, le procureur Ali Alqasi-Mehr a émis un mandat d’arrêt contre Donald Trump, et 35 militaires et responsables américains soupçonnés d’être impliqués dans l’assassinat du général Soleimani. Début décembre, le nombre des coupables présumés est passé à 48.
Le 3 janvier 2021, des milliers d’Irakiens ont manifesté leur colère à l’endroit où le général Soleimani et d’Abou Mahdi al-Muhandis ont été tués. Le lendemain, sur la place Tahrir à Bagdad, ils ont conspué l’actuel Premier ministre Moustapha al-Kazimi, l’accusant d’être un agent américain.
De crainte de représailles plus violentes, les Etats-Unis ont réduit de moitié le personnel de leur ambassade à Bagdad. D’autres réactions à l’assassinat du général Soleimani risquent en effet de se produire dans les semaines et mois à venir. Au Proche et Moyen-Orient, aussi, la vengeance est un plat qui se mange froid.
Vidéo (29:48): "Qassem Soleimani, le général du cœur", par Maria Poumier