Moqtada al Sadr et Hadi al-Amiri à Nadjaf (juin 2018)
Par Gilles Munier/
Tandis que des milliers d’Irakiens manifestent toujours pour de meilleures conditions de vie et que des cellules clandestines de l’Etat islamique sortent de l’ombre, Moqtada Sadr et Hadi al-Amiri tentent de rassembler un nombre suffisant de parlementaires leur permettant de proposer un nouveau Premier ministre.
Pour l’instant aucun des deux n’est en mesure de réunir les 169 élus nécessaires. Majoritaire aux législatives du 12 mai dernier, la liste Sairoun (En marche -54 députés, dont deux communistes) sponsorisée par Moqtada al-Sadr, a environ 3 mois pour proposer le Premier ministre de son choix.
Casse-tête électoral
Moqtada a obtenu le soutien du mouvement Hikma (Sagesse – 19 députés) dirigé par Ammar al-Hakim et du bloc Wataniya (Patriotes – 21 députés) de l’ancien Premier ministre pro-occidental Iyad Allaoui. A eux trois, ils ne totalisent que 95 sièges au Parlement, et 137 avec les 42 députés de la liste de Haïdar al-Ababi… à condition que certains n’ait pas changé de camp depuis la déclaration de leur leader en faveur des sanctions américaines contre l’Iran.
Mais la barre des 169 élus est un minimum. Les deux vainqueurs des législatives doivent convaincre une trentaine d’élus supplémentaires de les rejoindre pour pallier les retournements de vestes de dernières minutes.
Pour l’instant les Kurdes (PDK - 25 députés / UPK – 19 députés) attendent les propositions qui leur seront faites. Ils penchent plutôt en faveur de Hadi al-Amiri, car il est associé à Nouri al-Maliki (Etat de droit – 25 députés) qui les a laissés gouverner Kirkouk quand il était au pouvoir.
Retrait des Hachd des « villes libérées »
Avec les partis kurdes, le bloc parlementaire soutenant actuellement Hadi al-Amiri (Alliance Fateh – 48 députés) totaliserait 117 sièges. Ses partisans font campagne pour élargir son audience. Une de leurs initiatives a des aspects positifs : Abou Mahdi al-Mohandes, commandant adjoint des Hachd al-Chaabi a ordonné aux milices de quitter les « villes libérées » et de couper leurs liens avec les partis politiques et les groupes religieux qui les soutiennent. Dans les provinces à majorité sunnite, elles sont perçues comme une armée chiite d’occupation.
Leur présence contrariait les négociations engagées par Amiri et Maliki pour attirer des élus sunnites et kurdes dans la coalition parlementaire en cours de constitution. Même si Haïdar al-Abadi, toujours Premier ministre et donc chef des forces armées irakiennes - sans doute furieux que la décision n’ait pas été prise par lui - leur a ordonné de ne pas bouger, le principe de leur retrait est maintenant dans l’air, et c’est tant mieux.
Mettre fin au « système Bremer »
Autre avancée vers un Irak moins chaotique : Qaïs al-Khazali, chef de Asa’ib Ahl al-Haq (Ligue des Vertueux), pilier important des Hachd, s’en est pris au « système Bremer » - du nom du gouverneur américain nommé en Irak par G.W Bush – qui a imposé au peuple irakien une constitution rendant le pays ingouvernable.
Dans un message diffusé sur Twitter et cité par le site iranien PressTV, il a proposé de mettre fin au régime parlementaire actuel, basé sur un « système des quotas ethno-confessionnelles », et d’instaurer un régime présidentiel pour « sauver l’Irak ».
Les quinze dernières années ont prouvé que le système électoral dicté par les Américains et les Israéliens ne pouvait que provoquer mécontentement et chaos.
(à suivre)
Elections législatives 2018 – articles précédents :
Législatives 2018 : l’Irak, pays ingouvernable ?
Législatives 2018 : Dégagisme à l’irakienne… Et après?
Formation du prochain gouvernement irakien : on prend les mêmes et on recommence ?
En Irak, le 12 mai, des élections législatives hors normes