Ni pour son gouvernement
Ni pour ses institutions
Ni pour son armée
Par Maurice Buttin (revue de presse : Courrier du C.V.P.R – décembre 2014)*
C’est la seule solution pour mettre fin à l’occupation de la Palestine par ce « peuple d’élite, sûr et dominateur », comme l’avait dit le général De Gaulle dans sa célèbre conférence de presse du 27 novembre 1967, quelques mois après la guerre dite des « Six jours ». Au lendemain aussi de la déclaration 242 du Conseil de sécurité du 22 novembre 1967 qui demandait la fin de l’occupation des territoires occupés par Israël.
Après tant d’années de misère – plus de quarante ans d’occupation ! – 2014 a été une année particulièrement éprouvante pour le peuple palestinien. Troisième guerre de Gaza en août dernier. 2 200 morts en 50 jours. Un vrai massacre. Plus de 80 000 morts à l’échelle de la France. Des milliers de blessés et de nouveaux bombardements ces derniers jours. Une situation de plus en plus tendue à Jérusalem avec des centaines d’arrestations ; des attaques d’extrémistes juifs contre des conducteurs d’autobus ou des chauffeurs de taxi palestiniens ; un ministre palestinien Ziad Abu Ein, tué en Cisjordanie au cours d’une manifestation pacifique… Face à ces événements,chacun a été témoin du courage et du calme (encore !) des Palestiniens.
Mais trop, c’est trop. Un changement est enfin intervenu dans divers pays, au sein même de plusieurs Parlements nationaux. Tour à tour le britannique, l’espagnol, le français - Assemblée Nationale et Sénat - le portugais, l’irlandais… ont demandé à leur gouvernement de reconnaître l’Etat de Palestine, suivis le 17 décembre par le Parlement européen lui-même. La Suède, elle, avait antérieurement reconnu cet Etat, premier grand pays occidental à le faire. Le même jour, au Luxembourg, le Tribunal de l’U.E. a retiré le Hamas des Etats terroristes., et à Genève, les Hautes parties contractantes à la IV Convention de Genève ont rappelé que l’obligation de respecter le droit international humanitaire s’imposait à tous, y compris à Israël…
Tous ces pas sont intéressants, mais ils ne font pas plié Israël. Ainsi, toujours le même 17 décembre, les Palestiniens présentaient un projet de résolution au Conseil de sécurité de l’ONU « ouvrant un accord de paix final avec Israël » par la reconnaissance de leur Etat ; la réponse du Premier ministre israélien ne s’est pas fait attendre : « Nous n’accepterons jamais le dictat palestinien ! ». Jamais, est-ce si sûr ? La campagne BDS se développant de plus en plus dans de nombreux Etats, et peut-être enfin, demain, des sanctions contre l’Etat israélien, brisant l’immunité totale dont il bénéficie à ce jour, pourraient faire taire l’arrogant Benyamin Netanyahou.
Chacun sans doute de sourire à mes propos. Des sanctions ont-elles un jour fait reculer Israël? Oui, et un rappel historique nous le prouve.
26 juillet 1956. Nasser, mécontent de ne pouvoir obtenir l’aide des Etats-Unis pour la construction du barrage d’Assouan, proclame la nationalisation du canal de Suez ! Un accord secret est passé à Sèvres, courant octobre, entre la France (G. Mollet), la Grande-Bretagne (A. Eden) et Israël (D. Ben Gourion) au terme duquel les trois Etats décident d’engager des opérations militaires contre l’Egypte en vue d’éliminer Nasser – et pour Ben Gourion, au surplus, d‘enlever tout le Sinaï à l’Egypte et de l’annexer, au fin de bénéficier des grands gisements pétroliers récemment découverts.
Malgré une demande insistante du président Eisenhower, à la veille de sa réélection, « de ne rien faire qui pourrait menacer la paix », Israël entre en guerre le 29 octobre. Le 31, les Français et les Anglais passent à leur tour à l’action. Un projet de résolution est présenté au Conseil de Sécurité par les Etats-Unis et l’URSS, exigeant un cessez le feu immédiat et le retrait des territoires occupés par Israël. La France et la Grande-Bretagne bloquent le projet par leur veto. Mais, chacun se souvient que les deux pays cèdent devant la pression grandissante en particulier des Etats-Unis et de l’URSS. L’opération franco-anglaise se solde par un échec.
Israël, pour sa part, ne bouge pas et le 7 novembre, radieux, Ben Gourion, dans son discours de la victoire, trahit son intention d’annexer le Sinaï et les Iles du Golfe d’Akaba…
Mais ce n’est pas si simple. Dès le lendemain, les interventions virulentes des Etats-Unis et de l’URSS le font déchanter. Il reçoit une note très dure du président Eisenhower qui vient d’être réélu, et qui est désormais libre d’agir : « Israël est averti des menaces que les Etats-Unis pourraient mette à exécution si Israël refusait de retirer ses troupes : interruption de toute aide gouvernementale ou privée ; sanctions économiques et financières des Nations Unies ; expulsion des Nations Unies ».
L’URSS menace de son côté, mais c’est aux Etats-Unis que le « lion blessé » annonce sa capitulation – non s’en faire un effort pour garder et annexer le détroit de Tiran et la bande de Gaza « vitaux pour nous et pour lesquels nous préférerions la mort à la capitulation ». La position du Président étasunien se durcit. Il menace à nouveau Israël de sanctions si l’évacuation n’est pas achevée sans délai, conformément aux résolutions des Nations Unies. A la mi-février, Eisenhower explique sa position à ses compatriotes dans une allocution radiodiffusée : « Je crois que dans l’intérêt de la paix, les Nations Unies n’ont pas d’autre choix que d’exercer des pressions sur l’Etat d’Israël pour qu’il applique les résolutions sur le retrait (…). Une nation qui attaque et occupe un territoire étranger, malgré la désapprobation des Nations Unies devrait-elle être autorisée à dicter ses conditions pour son propre retrait ? ».
Le 1er mars 1957, Ben Gourion capitule définitivement. « Une victoire militaire éclatante s’est transformée en une défaite politique ». (Cf. BEN GOURION - Michel Bar-Zohar - Fayard 1986).
A la veille de la nouvelle année 2015, le géant Goliath n’est plus Philistin, mais Israélien. Le jeune David est Palestinien. Et, chacun connait la suite de l’histoire.
*Maître Maurice Buttin est président du CVPR PO (Comité de Vigilance pour une Paix Réélle au Proche-Orient)
Photo : Maître Maurice Buttin
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