Par Vadim Fersovitch (revue de presse : La Voix de la Russie -28/4/14)*
Personne n'est parvenu à s'entendre sur une transition pacifique du pouvoir en Afghanistan, en Irak ou en Libye par exemple, alors que les Etats-Unis étaient partie prenante du conflit.
« L'Amérique possède l'armée la plus puissante du monde, mais nous ne cherchons pas de conflits, nous nous attachons à maintenir la paix », a déclaré le président des Etats-Unis Barack Obama intervenant le 27 avril à l'Université de Malaya.
Pourquoi ces aspirations ne se sont-elles pas matérialisées en Afghanistan, en Irak ou en Libye ? Et aussi avec les talibans, alors que Saddam Hussein et Mouammar Kadhafi faisaient feu de tout bois pour éviter la guerre.
Le 14 octobre 2001, le quotidien Guardian a écrit que les talibans avaient proposé d'extrader Oussama ben Laden vers un pays neutre si les Etats-Unis arrêtaient les bombardements de l'Afghanistan ou leur fournissaient des preuves de son implication dans les attentats terroristes du 11 septembre. Quand ces conditions n’ont pas été acceptées, un ministre taliban s'est rendu secrètement à Islamabad pour faire une proposition encore plus intéressante : nul besoin de preuves, arrêtez les bombardements et nous livrerons le chef d'Al-Qaïda dans n'importe quel pays à l'exception des Etats-Unis. Le quotidien a obtenu cette information de la part d'une source proche du commandement militaire du Pakistan.
Toujours selon le Guardian, George Bush a alors déclaré que les bombardements ne s’arrêteraient pas, même si les talibans « extradent ben Laden, ses partisans et tous les otages... Inutile de discuter de culpabilité ou d'innocence. Nous savons qu'il est coupable». Le 7 novembre 2003, le même Guardian a écrit que l'administration Bush avait rejeté toute une série de propositions de paix faites à Washington par Saddam Hussein et son entourage.
Les propositions ont été faites par l'intermédiaire du service de renseignement syrien et des diplomates russes, allemands et français. Juste avant la guerre, les mêmes propositions ont été faites par le biais de responsables de la CIA à la retraite. Un homme d'affaires libanais a même rencontré le célèbre politique républicain, Richard Perle, à Londres. Dans une interview accordée au New York Times, Richard Perle a alors déclaré que la CIA lui avait recommandé d'interrompre les contacts avec les Irakiens. On a appris plus tard que les recommandations de la CIA coïncidaient avec les convictions personnelles du politique : M. Perle ne cessait de déclarer que les Etats-Unis avaient eu raison de commencer la guerre et que les armes d'extermination massive seraient trouvées en Irak tôt ou tard.
Le renseignement irakien a proposé à l'époque une chose incroyable : autoriser tacitement aux militaires américains l'entrée dans le pays pour effectuer les recherches d'armes d'extermination massive. Bagdad a également proposé d'organiser en l'espace de deux ans des élections démocratiques avec la participation d’observateurs internationaux.
Qu'a-t-il reçu en réponse ? En septembre 2007, le journal espagnol El Pais a publié le sténogramme des négociations entre George Bush et le Premier ministre espagnol de l'époque José Maria Aznar, qui avaient eu lieu en février 2003 dans le ranch texan de Bush. Conformément à ce sténogramme, ce dernier a déclaré à Aznar qu'indépendamment de savoir si Saddam restait en Irak ou non, « nous serons à Bagdad à la fin de mars ». A l'époque, la Maison-Blanche a refusé de commenter l'authenticité du document. Il est vrai qu'une participante américaine à ces négociations a démenti en avril dernier un détail suspect, à savoir la volonté de Saddam Hussein de quitter l'Irak en échange d'un milliard de dollars. Elle a déclaré que Saddam Hussein n'avait demandé que l'autorisation de bénéficier à vie d’un exil négocié.
Les Etats-Unis ont-ils renoncé à leur intransigeance dans les négociations après l'arrivée au pouvoir de la nouvelle administration ? Le 22 avril dernier, le Mail britannique a évoqué le rapport présenté récemment par la commission d'enquête sur l'attaque de l'ambassade américaine à Benghazi. Un membre de cette commission composée de généraux retraités, d'employés de la CIA et d'analystes réputés, le contre-amiral à la retraite Chuck Kubic, a déclaré aux journalistes : « Peu après le début de l'insurrection de 2011, Kadhafi a en effet proposé de renoncer au pouvoir. Mais les Etats-Unis ont fait fi de ses appels à la paix ». Selon Kubic, la Maison-Blanche a interdit au Pentagone de mener des négociations conséquentes sur le transfert pacifique du pouvoir. Kadhafi ne posait que deux conditions à son départ : la poursuite de la lutte contre Al-Qaïda dans le Maghreb islamique (AQMI) et la levée des sanctions contre lui, sa famille et ses partisans.
Hussein ou Kadhafi ne sont certes pas les personnalités politiques les plus positives de l'histoire moderne. Cependant, il y avait quand même une chance d'éviter les guerres et plusieurs milliers de victimes. Cette chance existe-t-elle encore face aux méthodes aussi peu recommandables des dirigeants américains de mettre en pratique leur volonté de « maintenir la paix » ?
*http://french.ruvr.ru/2014_04_28/USA-une-diplomatie-sans-compromis-4549/